Le délégué syndical peut-il être désigné dans un périmètre plus restreint que celui du CSE ?

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.

La définition du périmètre des établissements distincts retenue pour la mise en place du CSE ne peut pas empêcher la désignation d’un délégué syndical à un niveau plus restreint, constituant un établissement distinct au sens du délégué syndical. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt récent, publié au bulletin. Cass.soc.29.09.2021, n° 20-15.870.

Désignation d’un délégué syndical sur un périmètre plus restreint que celui du CSE d’établissement

Dans cette affaire, un accord collectif a été signé regroupant les différents établissements de l’entreprise au sein de 5 établissements distincts pour la mise en place du CSE. Un syndicat a désigné une déléguée syndicale (DS) au sein d’un périmètre plus restreint, en l’occurrence, celui d’un site anciennement considéré comme un établissement distinct. En conséquence, l’entreprise a saisi le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation de cette désignation.  

Le tribunal judiciaire a débouté l’entreprise de sa demande. Il a considéré que l’accord collectif définissant le périmètre des établissements distincts pour la mise en place du CSE ne définissait pas les modalités de désignation des DS et que le site sur lequel la déléguée en question avait été désignée constituait bien un établissement distinct.

C’est dans ces conditions que l’entreprise s’est pourvue en cassation. Pour elle, les anciens établissements de l’entreprise avaient « perdu toute individualité » du fait du regroupement opéré par l’accord relatif à la mise en place du CSE. Aussi, la désignation d’un délégué syndical ne pouvait intervenir qu’au niveau du périmètre du CSE d’établissement « dans un souci de concordance entre le niveau de négociation et le niveau de consultation ».

Par ailleurs, l’employeur a souligné que l’accord collectif en question visait expressément « les délégués syndicaux désignés dans le périmètre du CSE couvrant l’établissement ».

Enfin, il reprochait aux juges du fond de n’avoir pas recherché si les salariés regroupés au sein du site en question constituaient une communauté de travail ayant des intérêts propres et susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques.

En principe, le DS est désigné au niveau de l’établissement distinct tel que défini pour la mise en place des CSE, qui est le niveau d’appréciation de la représentativité syndicale. Aussi, la reconnaissance d’un établissement distinct pour la mise en place d’un CSE permet nécessairement la désignation d’un DS dans ce même périmètre(1).

Néanmoins, un accord collectif peut prévoit un périmètre de désignation plus restreint.

Par ailleurs, la loi prévoit qu’il est possible de désigner un DS au sein d’un établissement « regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l’employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques »(2). On parle alors de définition « fonctionnelle » de l’établissement distinct au sens du délégué syndical.  

La Cour de cassation devait donc répondre à la question suivante : un syndicat peut-il désigner un délégué syndical dans un périmètre différent que celui prévu par l’accord relatif à la mise en place du CSE ?

Une définition fonctionnelle d’ordre publique de l’établissement distinct

La Cour de cassation répond par la positive et rejette le pourvoi. Elle rappelle la définition fonctionnelle de l’établissement distinct aux termes de l’article L.2143-3 du Code du travail.

Mais surtout, la Haute Cour réaffirme le caractère d’ordre public de ces dispositions. Ainsi, quand bien même il ne s’agirait que d’une faculté des organisations syndicales représentatives, ni un accord collectif de droit commun, ni l’accord définissant le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place du CSE, « ne peuvent priver ces organisations du droit de désigner un délégué syndical au niveau d’un établissement au sens de l’article L.2143-3 ».

Pour faire simple, il importe peu qu’un accord ait fixé le périmètre des établissement distincts au sens du CSE, ou encore qu’il ait déterminé le niveau de désignation des délégués syndicaux, les syndicats représentatifs conservent la faculté de désigner un DS en présence d’une communauté de travail et d’un représentant de l’employeur.

Une décision logique au regard de la mission des délégués syndicaux

Cette solution n’est pas nouvelle. La chambre sociale a plusieurs fois affirmé le caractère d’ordre public des dispositions de l’article L.2143-3 ; encore tout récemment, dans le cadre d’un contentieux similaire, concernant la même entreprise(3). Ce faisant, la Haute juridiction privilégie la définition fonctionnelle de l’établissement distinct.

Pourtant, a priori, l’argumentation développée par l’employeur a du sens. Faire concorder le niveau de consultation et celui de négociation présente des avantages évidents, notamment celui de la simplicité. De plus, la vision unitaire de l’établissement distinct semble pertinente au regard du principe de concordance, selon lequel la représentativité syndicale s’apprécie au niveau où s’exerce la prérogative pour laquelle elle est exigée.

Cela dit, si cette vision unitaire a le mérite de la simplicité, la conception fonctionnelle est davantage cohérente avec la mission des délégués syndicaux, comme leur capacité à former des revendications au niveau pertinent.

Finalement, cette possibilité de désignation est tout à fait opportune, d’autant plus lorsque la négociation sur le périmètre de mise en place des CSE n’aura pas permis la reconnaissance d’un nombre suffisant d’établissement distincts.


(1) Cass.soc.10.11.10, n°09-60.451 et n°10-60.104.

(2) Art. L.2143-3 C.trav.

(3) Cass.soc.31.05.16, n°15-21.175 ; Cass.soc.09.10.21, n°20-14.171.

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmarkClose
0 Shares:
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pourriez aussi aimer

François Bayrou agrée la convention sur l’assurance chômage

C'est le 15 novembre 2024 que les partenaires sociaux signaient leur nouvelle convention sur l'assurance chômage. Le texte vient d'être agréé par le Premier ministre François Bayrou avec quelques exclusions. Toutes les dispositions agréées s'appliqueront ainsi à compter du 1er janvier 2025. Retrouvez-en la teneur ci-dessous : ...