Le défenseur syndical peut-il s’auto-représenter devant la cour d’appel ?

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFDT.

Lors d’une procédure prud’homale à hauteur d’appel, un défenseur syndical ne peut assurer une représentation en justice pour son propre compte. Il ne peut être à la fois mandatant et mandataire. C’est ce que vient de juger la Cour de cassation dans un arrêt publié. Cass.soc.17.03.2021, n°19-21.349. 

Bref rappel des règles

Pour rappel, devant le conseil des prud’hommes, la représentation n’est pas obligatoire. Les parties peuvent se défendre elles-mêmes, se faire assister ou représenter (1). 

Contrairement à la première instance, en appel, les parties (employeurs et salariés) doivent obligatoirement être représentées (2), soit par un avocat, soit par un défenseur syndical. Le défenseur syndical doit alors être mandaté par la partie représentée. C’est le respect de cette obligation qui va poser ici un problème… 

Le défaut de mandat de représentation constitue une irrégularité de fond, sanctionnée par la nullité (3). 

Les faits et la procédure

Dans une affaire dans laquelle il est partie, un salarié, de surcroît défenseur syndical, décide de se représenter lui-même en appel. Il se mandate alors pour son propre compte.  

La cour d’appel déclare sa déclaration d’appel nulle car elle est formée et déposée par le salarié lui-même. Peu importe, pour les juges du fond, que le salarié soit par ailleurs défenseur syndical. 

Le salarié décide de se pourvoir en cassation. La question posée aux juges est la suivante :Un salarié, défenseur syndical, peut-il se représenter lui-même à hauteur d’appel ? 

Le défenseur ne peut se représenter lui-même en appel

A cette question, la Haute Cour répond par la négative « un salarié, défenseur syndical, partie à une instance prud’homale, ne peut assurer sa propre représentation en justice ». 

Pour la Cour de cassation, c’est bien le fait de se représenter soi-même en justice qui n’est pas possible. Le problème ne se pose pas devant le conseil des prud’hommes puisqu’il est possible de se défendre seul, nul besoin donc d’être représenté et d’utiliser la casquette de défenseur syndical. 

La Haute Cour explique sa décision par la combinaison de plusieurs textes légaux et réglementaires (4) :  

  • ce n’est qu’en première instance que le salarié peut se défendre seul ;
  • en revanche, à hauteur d’appel, la représentation est obligatoire par un avocat ou un défenseur syndical ;
  • la personne qui représente la partie doit avoir un mandat, qui est un acte par lequel une personne (le mandant) donne à une autre (le mandataire) le pouvoir de faire quelque chose pour elle et en son nom.

C’est sur la base de ce dernier point que les Hauts magistrats ont précisé que le défenseur syndical ne peut pas «confondre en sa personne les qualités de mandant et de mandataire ». 

La Cour de cassation ajoute que contrairement à ce qu’avance le salarié, « ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en l’occurrence l’efficacité de la procédure d’appel et une bonne administration de la justice. Elles ne constituent pas une atteinte au droit à l’accès au juge d’appel dans sa substance même ». 

Une décision vraiment logique ?

La Cour de cassation a rendu ici un arrêt très pédagogue afin de démontrer que sa décision est tout à fait logique. 

Pourtant, l’article 930-2 du Code de procédure civile encadrant la représentation obligatoire des parties en appel ne fait pas obstacle à ce que le défenseur syndical puisse se représenter lui-même dans une affaire où il est partie. En outre, comme l’avançait le salarié, il aurait pu également être reconnu qu’il s’agissait bien d’une restriction injustifiée au droit d’accès au juge. 

C’était sans compter le Conseil d’Etat, qui avait déjà refusé qu’un avocat puisse se représenter lui-même lorsqu’il est partie à une procédure avec représentation obligatoire. Une fois encore, il était question du mandat et du principe d’indépendance de l’avocat. Il faut que « l’avocat soit une personne distincte du requérant, dont les intérêts personnels ne soient pas en cause dans l’affaire et font obstacle à ce qu’un requérant exerçant la profession d’avocat puisse dans une instance dans laquelle il est personnellement partie assurer sa propre représentation » (5). 

La Cour de cassation a ici décidé d’attribuer le même sort au défenseur syndical… Pourtant ne dit-on pas « qu’on n’est jamais mieux servi (défendu) que par soi-même… » ? 

 

(1) Art. R.1453-1 C.trav. 

(2) Art. R.1461-2 C.trav. 

(3) Cass.soc.05.03.92, n°88-45.188 et 88-45.190. 

(4) Art. R.1461-2, art. R.1453-1 C.trav et art. 411 C.pro.civ. et art 1984 C.civ. 

(5) CE, 22.05.09 req. n°301186. 

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