Tandis que la loi sur le dialogue social et l’emploi, dite Rebsamen, est venue modifier la gestion de l’inaptitude, et notamment apporter une obligation d’information dans le cadre du contentieux contre une décision du médecin du travail, le CE a quant à lui rendu un arrêt pédagogique concernant les moyens invocables à l’encontre de la décision de l’inspecteur du travail. Cet arrêt de rejet a été rendu le 22 mai 2015 par les 4ème et 5ème sous-sections réunies du Conseil d’Etat.
Les faits : multiples recours d’une société contre une décision d’inaptitude
En l’espèce, M. B a été victime d’un accident du travail le 9 juillet alors qu’il travaillait pour la société tSbar. Un médecin déclara par suite M.B inapte à son poste de cuisinier mais apte à tout poste ne comportant pas de manutention ni de station assise ou debout prolongée. Mécontente de cette décision, la société employeuse décida de recourir devant l’inspection du travail. L’inspecteur du travail ainsi désigné, mena une enquête qui aboutit à la même conclusion que celle du médecin du travail, c’est-à-dire l’inaptitude de M. B à occuper son poste de travail. En conséquence, la société Sbart a saisi le tribunal administratif d’un recours contre la décision de l’inspecteur du travail, qui a aussi rejeté les demandes de la société tout comme la cour d’appel. C’est pourquoi la requérante a formé un pourvoi en cassation.
Le Conseil d’Etat ne s’attarde pas sur les moyens des parties dans ses considérants pour simplement exposer le régime général du contentieux des décisions de l’inspecteur du travail.
Le Conseil d’Etat précise les moyens de contestation d’une décision d’inaptitude
Le Conseil d’Etat revient sur la première phase du litige. En effet, lors d’un désaccord entre l’employeur et l’avis du médecin du travail concernant l’aptitude du salarié, il faut saisir l’inspecteur du travail. Ultérieurement, lorsque la décision de l’inspecteur est prise, elle se substitue à l’avis du médecin, peu importe que cet avis médical aille dans le même sens ou non. Plus précisément, la décision de l’inspecteur du travail est le seul acte administratif susceptible d’être contesté devant le juge de l’excès de pouvoir.
Par conséquent, l’avis du médecin du travail ou même la procédure suivie par ce dernier dans le cadre d’une inaptitude, n’a aucune influence sur la légalité de la décision administrative de l’inspecteur. Le juge administratif, statuant dans le cadre d’un tel recours, n’effectue pas un contrôle absolu de la décision de l’inspecteur du travail mais un contrôle minimum. Cela veut dire qu’il ne va rechercher que l’erreur manifeste d’appréciation, car l’inspecteur est lui doté d’une compétence discrétionnaire dans la prise de sa décision.
Le Conseil d’Etat juge alors que la cour d’appel n’a pas commis d’erreur de droit, puisque qu’elle n’a pas tenu compte de l’avis du médecin. Elle n’a pas non plus entaché son jugement de dénaturation puisque l’inspecteur du travail n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en rendant sa décision. Le recours de la société requérante est rejeté, le salarié est donc bien inapte à son poste de salarié.
La loi dite Rebsamen prévoit désormais une issue dans ce genre d’affaire en instaurant la possibilité de rompre le contrat de travail du salarié inapte, sans rechercher de reclassement, si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. Cependant les conditions sont strictes, en l’espèce l’employeur aurait sûrement perdu moins de temps en cherchant à reclasser son salarié.