La Cour de Justice de l’Union Européenne se prononcera prochainement sur la notion de temps d’astreinte. En attendant, c’est l’avocat général de la CJUE qui a rendu ses conclusions sur l’assimilation, ou non, du temps d’astreinte à du temps de travail. La solution trouvée pourrait avoir un impact sur les chefs d’entreprises à travers toute l’Europe, y compris en France.
Le “temps de travail” : une science inexacte
C’est une affaire venant de Belgique qui est à l’origine du litige. Un pompier réserviste est tenu d’être à disposition une semaine sur quatre, les soirs et le week-end, rémunéré uniquement pour le temps passé en service actif. Tout le temps d’astreinte sans activité professionnelle n’est pas rémunéré.
Or les conditions d’astreinte obligent le pompier à être joignable et à rester à moins de 8 minutes de la caserne à tout moment, ce qui impacte fortement l’occupation de ce temps.
Le pompier a donc réclamé une meilleure rémunération et le juge belge lui a donné raison en mars 2012.
Cependant, la ville qui emploie le pompier ne s’est pas laisser faire et a fait appel de cette décision. Le droit belge dispose que le temps de travail est “le temps pendant lequel le travailleur est à la disposition de l’employeur“. Cependant, il semblerait que le droit européen dans la directive 2003/88 (voir ci-contre) n’ait pas la même définition du temps de travail que le droit belge.
En d’autres termes, si la définition du temps de travail belge s’applique, le pompier devrait être augmenté. Si c’est la définition européenne, la ville qui l’emploie n’aura pas à relever son salaire.
La cour d’appel a donc saisi la CJUE de plusieurs questions relatives à l’interprétation de cette notion temps de travail afin de savoir si le temps d’astreinte y est inclus.
Le temps d’astreinte n’est pas forcément du temps de travail
L’avocat général commence par confirmer que dans le cas des sapeurs-pompiers recrutés par les services publics, les Etats membres ne peuvent pas les exclure de la définition donnée du temps de travail et de la période de repos par l’article 2 de la directive 2003/88. C’est donc cette définition qui prend le pas sur celle du droit belge.
Mais, c’est surtout sur ce point que l’intérêt des conclusions porte, la définition du temps de travail donnée par la directive ne s’applique pas automatiquement aux travailleurs qui ont des périodes d’astreinte !
En d’autres termes, en cas de travailleur sous astreinte, l’avocat général précise que c’est la qualité du temps passé sous astreinte, plutôt que la proximité avec le lieu de travail, qui doit être analysée par le juge national. C’est uniquement au regard de cet élément que la juridiction nationale doit déterminer si le temps d’astreinte peut être assimilé à du temps de travail.
Dans le cas du pompier belge, le fait qu’il soit tenu d’être à moins de 8 minutes de de son lieu de travail et joignable en continu devra être analysé par le juge national. C’est à ce dernier qu’il reviendra de déterminer si ces conditions font basculer le temps d’astreinte dans du temps de travail, ou non.
Employeurs français : un risque en perspective
En France, le temps d’astreinte n’est pas nécessairement considéré comme du temps de travail. La décision de la CJUE pourrait donc avoir un impact très important si le juge national décide de requalifier un temps d’astreinte en temps de travail effectif.
La solution du juge européen sera alors très importante à surveiller.
Article 8 de la loi belge du 14 décembre 2000 :
« On entend par « durée du travail » le temps pendant lequel le travailleur est à la disposition de l’employeur ».
Article 2 de la directive 2003/88 :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
1- “temps de travail” : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ;
2- “période de repos” : toute période qui n’est pas du temps de travail ».
Article L3121-9 du code du travail français :
« Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.
La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif […] ».