L’AFPA, toujours au bord du gouffre

Alors que tous les décideurs publics ne cessent d’invoquer la “formation professionnelle” comme solution au chômage de masse, la situation de l’AFPA demeure très préoccupante. A ses difficultés financières permanentes s’ajoutent de réelles craintes quant à sa capacité à s’adapter à la nouvelle donne économique et structurelle de la formation professionnelle. 

Pour mémoire : une faillite évitée de peu

Pour l’AFPA, les ennuis ont surtout commencé à la fin de la décennie 2000. Conjugée à la régionalisation de l’action publique en matière de formation professionnelle, la libéralisation du marché de la formation professionnelle mise en oeuvre en 2009 a radicalement remis en cause les positions acquises de l’AFPA. Disposant, par héritage, d’une structure plus lourde que ses concurrents privés, l’AFPA n’a pas réussi à conserver tous ses marchés. Bilan : au début de la décennie 2010, les résultats économiques de l’association se sont nettement dégradés. Entre 2011 et 2013, le chiffre d’affaires de l’AFPA a baissé de 12 %, à un peu plus de 850 millions d’euros. Les comptes d’exploitation étaient dans le rouge, comme en 2012 avec près de 70 millions d’euros de déficit. 

Dans ces conditions, la survie de l’association était en jeu. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a finalement dû intervenir et refinancer la structure à hauteur de 220 millions d’euros. Cette aide décisive s’est accompagnée d’un “plan de refondation” de l’AFPA. Son tout nouveau président d’alors, Yves Barou, ancien DRH de Thalès, a eu la charge de mener cette réorganisation. Elle devait d’une part se traduire par une diminution importante des effectifs : de 9150 salariés au début de la décennie 2010, ils sont aujourd’hui d’environ 7800 salariés. “En réalité, les départs à la retraite ne sont plus remplacés” déplore-t-on du côté de FO. D’autre part, l’association entendait mener d’urgence un travail d’adaptation de son offre à la demande de formation professionnelle. 

Une situation toujours très tendue

Au moment où il a entrepris sa réforme de l’AFPA, M. Barou avait assuré que dès 2014, les problèmes de la structure seraient réglés. Il avait avancé l’idée que le compte d’exploitation serait excédentaire. Pourtant, l’année dernière, le déficit est demeuré important, à environ 10 millions d’euros. L’Etat a de nouveau dû intervenir en urgence, par le biais du ministère du Travail. Afin de ne pas empirer les difficultés de trésorerie, un moratoire de 36 mois a été décidé en septembre 2014 sur les cotisations patronales auprès de l’URSSAF. En outre, les effectifs doivent continuer à baisser massivement – 850 personnes d’ici à 2017. Enfin, le ministère du Travail a chargé l’AFPA d’une mission de refonte des titres professionnels, facturée suffisamment pour maintenir les comptes à flot. 

Cette nouvelle intervention gouvernementale n’a pas vraiment contribué à apporter de la sérénité en interne. “Durant tous les derniers CCE, j’ai demandé au directeur général de me dire combien de temps l’AFPA pouvait tenir dans les conditions actuelles”, explique un responsable de FO, qui poursuit : “Lors d’une rencontre avec lui, il m’a assuré que les seuils de viabilité de l’association sont de 7000 salariés pour 700 millions de chiffre d’affaires. On est à 7800 salariés et 715 millions de chiffre d’affaires. Autrement dit, on est sur le fil du rasoir !” Si l’on en croit donc notre interlocuteur, les problèmes de l’AFPA sont très loin d’être réglés. La saignée aurait-elle fait plus de mal que de bien au patient ? Une chose est sûre : elle ne l’a pas soigné. 

Quelles perspectives pour l’AFPA ?

Le responsable de FO se montre pessimiste quant aux solutions structurelles qui s’offrent à l’AFPA : “Le gouvernement a annoncé un retour dans le service public de l’emploi… Mais politiquement, le SPE, ce n’est rien, il n’y a plus aucune réunion, ça n’existe plus. On nous avait annoncé la transformation en EPIC mais ça prendrait beaucoup de temps car l’Europe doit donner son avis. D’ici-là, on a bien le temps de mourir ou d’éclater !” Par ailleurs, d’après notre interlocuteur, l’AFPA a du mal à accéder aux cercles où se décide la politique de la formation professionnelle : “On participe aux assemblées générales des COPAREF, mais tout se joue aux bureaux, où nous ne sommes pas, contrairement à certains de nos concurrents comme les CCI ou les CMA.” 

Surtout, ces enjeux de forme ne sauraient masquer le principal enjeu de fond auxquel sont confrontés les responsables de l’AFPA : repenser l’offre de formation de l’association. Plusieurs pistes ont été évoquées afin de rassurer le ministère du Travail lorsqu’il est intervenu à la fin de l’année 2014. La première consisterait à créer un groupement d’achat interrégional destiné à remplir des formations ne trouvant pas suffisamment de candidats au niveau local. Une autre piste reviendrait à développer l’offre de formation pour des publics durablement éloignés de l’emploi, les handicapés par exemple. Enfin, l’association met en avant la nécessité et la possibilité d’inventer de nouvelles formations. Il semble en effet plus que nécessaire d’innover du côté de l’AFPA… 

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