Saisie en 2014 par Ben Weyts, ministre flamand, qui refusait de donner les agréments nécessaires à l’installation de sites temporaires d’abattages rituels d’animaux, la CJUE estime que ces abattages ne doivent avoir lieu que dans des abattoirs agréés où l’étourdissement est de rigueur.
L’Aïd-al-Adha risque d’être beaucoup plus compliqué à organiser en Belgique cette année. La Cour de Justice de L’union Européenne a rendu, mardi 29 mai, un arrêt selon lequel elle interdit l’abattage rituel sans étourdissement préalable dans les abattoirs temporaires. Une décision qui vient confirmer une première interdiction datant de 2014.
A cette époque, le ministre en charge du bien-être animal, Ben Weyts, avait cessé de délivrer les autorisations nécessaires à l’installation de ces sites temporaires d’abattage.
Condition animale contre liberté de religion
Avec sa position forte, Ben Weyts s’était attiré les foudres des communautés musulmanes du pays qui avaient porté l’affaire en justice avant de saisir la CJUE. Elles espéraient que « le bon sens prévale« .
Il y a toujours une différence entre la théorie et la pratique. Dans la vision de l’avocat-général, la communauté musulmane devrait bâtir des abattoirs permanents pour les utiliser à peine une fois par an. Cela va contre la liberté de pratiquer son culte.
Me Roets, avocat
Seulement, la CJUE n’a pas abondé dans leur sens. Au contraire, elle confirme l’interdiction prononcée par Ben Weyts. Elle explique tout d’abord que l’abattage rituel relève bien d’un « abattage religieux« . Il est donc soumis aux lois qui permettent la liberté de religion garantie par la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne. Dès lors, les animaux doivent être abattus dans des centres agréés. Ces derniers pratiquant l’étourdissement, les sites temporaires sont donc interdits.
Cette obligation n’enfreint pas la liberté de religion étant donné qu’elle vise uniquement à organiser et encadrer le libre exercice de l’abattage rituel, en tenant compte des règles essentielles concernant la protection du bien-être des animaux et de la santé des consommateurs de viande animale
À titre dérogatoire, la pratique de l’abattage rituel sans étourdissement préalable est autorisée, pour autant qu’il ait lieu dans un abattoir agréé par les autorités nationales compétentes et respectant les exigences techniques relatives à la construction, à la configuration et à l’équipement.
Cette dérogation n’interdit nullement l’exercice de la pratique de l’abattage rituel dans l’Union, mais elle concrétise, au contraire, l’engagement positif du législateur de l’Union de permettre la pratique de l’abattage d’animaux sans étourdissement préalable afin d’assurer le respect effectif de la liberté de religion, notamment des musulmans pratiquants, pendant la fête du sacrifice.
Une jurisprudence qui peut se propager ?
Pour Ben Weyts et les associations de défense de la condition animale, le 29 mai est un jour à marquer d’une pierre blanche. Le ministre estime qu’il s’agit d’une décision justifiée et logique.
Ce débat a toujours été lié, pour moi, au bien-être des animaux et non à la religion. La lutte contre la souffrance animale est indépendante d’une conviction idéologique ou d’une croyance religieuse. Nous avons le devoir, en tant que société civilisée, d’éviter effectivement de faire souffrir les animaux quand cette souffrance est évitable.
De son côté, l’association Gaïa estime que « c’est une belle journée ». L’arrêt n’ayant aucune possibilité d’appel, le président de l’association espère que ce premier pas permettra d’aller vers une interdiction générale de l’abattage rituel sans étourdissement, autant en Wallonie qu’en Flandre. Et ce, dès 2019.
Récemment, la question de la condition animale a agité l’Assemblée Nationale. Et pour cause : les députés avaient la possibilité d’interdire l’élevage en cage des poules pondeuses, le broyage des poussins mâles et canetons femelles, la castration à vif des porcelets, les cages pour les lapins ou encore les « fermes-usines ». Ils avaient aussi l’occasion de permettre l’installation de caméras dans les abattoirs afin d’avérer les bonnes pratiques des filiales de la viande. Toutes les propositions ont été rejetées.
La fin du Ramadan est fixée autour du 15 juin cette année (date fluctuante selon la position de la lune). Avec cette date qui se rapproche, la France devrait aussi voir apparaître des centres temporaires d’abattages. Reste à savoir si cet arrêt de la CJUE qui ne concerne que la Belgique, pourrait se propager.