La publication des comptes des syndicats est incontournable pour signer valablement un accord

Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.

Voici un arrêt qui doit retenir toute l’attention des syndicats CFDT : conformément aux règles fixées par le Code du travail, le défaut de publication des comptes fait peser sur eux le risque que la signature d’un accord d’entreprise ne soit remise en cause pour défaut de représentativité ! Décryptage…

CE, 4e – 1è chambres réunies, 06/04/2022, 444460.

Rappel des faits

Courant 2019, un accord de mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est signé entre l’employeur et deux organisations syndicales présentes dans l’entreprise, dont l’une avait recueilli pas moins de 80% des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Cet accord est validé par une décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Occitanie. Décision contestée devant le tribunal administratif par une 3e organisation syndicale présente dans l’entreprise.

Après avoir été confirmée par le tribunal administratif, la décision est finalement annulée par la Cour d’appel.

Le motif de cette annulation : l’un des deux syndicats signataires (le plus gros en suffrages exprimés) n’avait pas publié ses comptes de résultat, cela ayant pour conséquence de le priver de la condition de transparence financière lui permettant d’être considéré comme représentatif.

Rappel des règles

Un bref rappel des règles s’impose pour mieux saisir les enjeux de cette décision : il s’agit ici d’articuler les règles relatives au PSE et celles relatives à la représentativité, et plus précisément à la transparence financière.

Règles relatives au PSE

Quand une entreprise d’au moins 50 salariés envisage de procéder au licenciement d’au moins de 10 salariés sur une même période de 30 jours, l’employeur établit et met en œuvre un PSE pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre (art. L. 1233-61 C. trav.).

Un accord collectif peut déterminer le contenu de ce PSE.

Celui-ci doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants (art. L. 1233-24-1 C. trav.). Cet accord doit être validé par l’autorité administrative qui doit notamment vérifier sa conformité à l’article L. 1233-24-1.

Règles relatives à la représentativité

Plusieurs critères cumulatifs doivent être réunis pour qu’une organisation syndicale soit considérée comme représentative (art. L. 2121-1 C.trav.).

– Le respect des valeurs républicaines.

– L’indépendance.

– La transparence financière.

– Une ancienneté minimale de 2 ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation.

– L’audience électorale.

– L’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience.

– Les effectifs d’adhérents et les cotisations.

Une validation du PSE possible après vérification des critères de représentativité, dont celui de la transparence financière

C’est après une lecture combinée de ces règles que le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi, rappelle que lorsque l’administration « est saisie d’une demande de validation d’un accord d’entreprise portant plan de sauvegarde de l’emploi de vérifier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que l’accord d’entreprise qui lui est soumis a été régulièrement signé pour le compte d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives lors du premier tour des dernières élections professionnelles au sein de l’entreprise ».  

Il ajoute que l’autorité administrative doit, entre autres, « vérifier que le ou les syndicats signataires satisfont aux critères de représentativité énoncés par l’article L. 2121-1 du Code du travail, dont celui de transparence financière ».

En l’espèce, le Conseil d’État constate que l’autorité administrative ne pouvait pas valider l’accord portant PSE dès lors que l’un des syndicats signataires, celui ayant ayant obtenu 80 % des suffrages lors du premier tour des élections professionnelles, ne satisfaisait pas, à la date de la signature de cet accord, au critère de transparence financière. Il ajoute qu’il importait peu que la représentativité de ce syndicat n’ait pas fait l’objet d’une contestation devant le juge judiciaire lors des élections professionnelles.

Une transparence financière supposant la publication des comptes de résultat

Le Conseil d’État se livre ensuite à une lecture des articles L.2135-1 et suivants du Code du travail relatifs aux obligations comptables des organisations syndicales. Selon ces articles :

– les syndicats tenus d’établir des comptes doivent en assurer la publicité ;

– lorsque les ressources du syndicat sont inférieures à 230 000 euros à la clôture d’un exercice, cette publicité des comptes doit intervenir dans un délai de 3 mois à compter de leur approbation par l’organe délibérant statutaire, soit dans les conditions prévues à l’article D.2135-7, soit par publication sur leur site internet ou, à défaut de site, en direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ;

– le respect de l’obligation de publicité des comptes doit être regardé, pour les organisations qu’elles concernent, comme l’une des conditions à remplir pour répondre au critère de transparence financière requis pour établir leur représentativité, sauf à ce qu’elles puissent faire état de l’accomplissement de cette obligation de publicité par des mesures équivalentes.

Puis il constate qu’en l’espèce, le syndicat en question n’avait « publié sur son site internet, au titre du dernier exercice clos ayant précédé la signature de l’accord, ainsi que, d’ailleurs, des deux exercices l’ayant précédé, que ses bilans simplifiés, ses comptes de résultat simplifiés ainsi que le tableau annexe de ses ressources n’ayant quant à eux fait l’objet d’aucune mesure de publicité, et qu’il n’était pas soutenu qu’aurait été mise en œuvre une mesure de publicité équivalente ».

Pour en déduire in fine que la cour administrative d’appel avait pu juger que ce syndicat ne remplissait pas le critère de transparence financière requis par les dispositions de l’article L. 2121-1 du Code du travail et que l’accord ne pouvait par suite être légalement homologué par l’administration…

Cette décision appelle les syndicats à la plus grande vigilance quant à la publication des comptes !

Il ne s’agit pas d’une obligation purement formelle à satisfaire chaque année. Cette obligation entraîne en effet des conséquences non négligeables, puisqu’elle lui permet de remplir la condition de transparence et, s’il remplit les autres conditions, d’être considéré comme représentatif.

Représentativité qui lui permet ensuite de conclure des accords collectifs sans prendre le risque que ceux-ci ne soient remis en cause, comme ce fut le cas en l’espèce !

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