La mutualité demande de nouvelles protections réglementaires

Le congrès de la FNMF qui se tient à Nantes (et qui accueille François Hollande aujourd’hui) donne à son président Etienne Caniard l’occasion d’une campagne médiatique réclamant une “vraie généralisation de la complémentaire santé”. La FNMF demande aux pouvoirs publics, dans la pratique, d’adopter une réglementation lui permettant de préserver ses parts de marché en assurance individuelle laissée “vacante” par la généralisation prévue par l’ANI: les retraités, les chômeurs, et les quelques autres qui échappent encore au dispositif. 

La FNMF veut relancer le marché de l’assurance santé individuelle

Pour la FNMF, cette revendication en apparence solidaire correspond à une nécessité vitale: la généralisation de la complémentaire santé en entreprises fait peser un risque important sur le marché des salariés qui s’assuraient individuellement, faute de disposer d’une solution en entreprises. Les études se sont multipliées sur le sujet, avec des résultats parfois fort différents, mais il est possible de chiffrer à environ 4 millions le nombre de salariés non couverts par une mutuelle d’entreprise, et qui le seront en principe au 1er janvier 2016.  

Si l’on admet l’hypothèse qu’une majorité de ses salariés adhéraient à une mutuelle relevant du Code de la Mutualité, les adhérents de la FNMF peuvent, sur le papier, s’attendre à perdre d’ici à la fin de l’année au moins 2 millions d’adhérents. Dans la pratique, la situation est plus complexe. Certains acteurs de la FNMF comme Harmonie ont une posture très dynamique sur le marché, et d’autres préservent leur position sur le marché de l’individuelle. Toutefois, peu d’adhérents de la FNMF connaissent l’assurance collective et l’ANI constitue pour eux une menace évidente.  

En réaction, il n’est donc guère surprenant que la FNMF cherche à optimiser les segments de marché où elle domine, en particulier sur le champ des adhésions individuelles. L’idée de la “vraie généralisation” procède de ce calcul un peu alambiqué où la mutualité française compte sur ses soutiens politiques pour développer ses affaires. Ce réflexe d’Etienne Caniard est bien un réflexe à l’ancienne. Il n’est toutefois pas sûr que tous ses adhérents apprécient imodérément le geste. 

La FNMF face à la guerre des prix

Dans tous les cas, on imagine mal l’assurance individuelle échapper à la guerre des prix qui sévit dans la collective. Sur ce point, là encore, les analyses sont largement idéologiques et ressemblent à une tentative d’occultation des vrais problèmes par Etienne Caniard.  

La mutualité a largement développé une offre de services fondée sur des garanties de qualité tarfiée à un montant substantiel. Etienne Caniard n’a semble-t-il pas noté que la généralisation par la loi met ce modèle en difficulté. Lorsque l’obligation réglementaire entre en vigueur, les acteurs du marché affirment plus facilement une préférence pour les produits les moins chers et les plus proches de la norme à respecter. Dans l’hypothèse d’une généralisation de la complémentaire santé individuelle, le même phénomène risque de se produire.  

Pour la FNMF, il s’agit là d’un véritable défi. La généralisation exacerbe la concurrence et favorise les acteurs les plus agiles et les moins entravés par des frais de gestion importants. Peu d’adhérents de la FNMF entrent dans ces critères et assez naturellement ils risquent d’être collectivement pénalisés par une nouvelle mesure réglementaire qui incitera la concurrence à mener des offensives sur des segments dévolus aux mutuelles aujourd’hui.  

C’est le paradoxe de la position d’Etienne Caniard: la généralisation qu’il revendique risque de nuire aux effets de rente dont les mutuelles bénéficient dans le domaine de l’assurance individuelle, et grâce auxquels de nombreuses mutuelles préservent des sureffectifs et perdent beaucoup de productivité.  

Vers de nouvelles règles Evin?

Dans ce torrent de revendications suicidaires, la FNMF a remis sur le tapis la question des contrats pour les salariés qui partent à la retraite. Aujourd’hui, la réglementation plafonne les tarifs qui leur sont applicables pour les garanties dont ils bénéficiaient dans leur entreprise. Cette mécanique est inefficace et aucun assureur ne parvient à tarifer aussi bas pour des populations qui sont fortement consommatrices de soin.  

Faut-il combattre ce désordre? Les partisans de la ligne “solidaire” ne sont pas forcément en position confortable. Dans la pratique, demander aux jeunes salariés de payer leur santé plus chère pour aider ceux qui partent à la retraite n’est pas dans l’air du temps, puisque les uns devraient plus sans consommer afin d’aider ceux qui paieraient moins en consommant beaucoup. Compte tenu de la répartition du patrimoine en France, il n’est pas absurde de demander aux retraités un effort accru pour leur santé. 

Là encore, la FNMF risque d’ouvrir un débat qui lui ouera des tours. Et c’est probablement la faiblesse de la Mutualité sous la présidence d’Etienne Caniard: les valeurs mutualistes ne sont sorties des placards que pour défendre des intérêts économiques immédiats. Mais la FNMF ne semble plus porter les valeurs qui l’ont faite, autrement que pour défendre des situations acquises.  

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