La loi sur le délai de consultation du CE est-elle conforme à la Constitution ?

Cette publication provient du site du syndicat de salariés FO.

 

Dans une décision du 4 août 2017, le Conseil constitutionnel a jugé que le quatrième alinéa de l’article L 2323-3 du code du travail et le dernier alinéa de l’article L 2323-4 du même code, dans leur rédaction résultant de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, sont conformes à la Constitution (Conseil constit., 4 août 2017, Décision n°2017-652 QPC). 

Petit retour en arrière, le 21 septembre 2016, la Cour de cassation précisait, à propos de l’incidence d’une saisine du juge sur le délai de consultation du comité d’entreprise (CE), que cette saisine n’interrompait pas le délai de consultation, si bien que le juge ne pouvait plus se prononcer sur les demandes d’un CE lorsqu’au jour où il statue le délai de consultation du CE était expiré (Cass. soc., 21-9-16, n°15-16363, PBI : voir le lien suivant). 

Un autre arrêt du même jour indiquait, quant à lui, que le juge ne pouvait accorder un nouveau délai après l’expiration du délai initial (Cass. soc., 21-9-16, n°15-19003). 

Ces deux décisions ont fait l’objet de nombreuses critiques. Dans les InFOjuridiques n°94 de juillet/septembre 2016, nous évoquions l’ensemble des problèmes soulevés. 

La conformité de la décision de la Cour de cassation avec la Constitution était clairement posée. Une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité (QPC) méritait d’être soulevée. 

Le 1er juin 2017, la Cour de cassation ne manquait pas de transmettre au Conseil Constitutionnel une nouvelle QPC sur ce sujet (Cass. soc., 1-6-17, n°17-13081). 

La question était posée dans les termes suivants : 

La combinaison des dispositions de l’alinéa 4 de l’article L. 2323-3 du code du travail, en vertu desquelles, à l’expiration du délai de consultation, le comité d’entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif, et des dispositions de l’alinéa 3 de l’article L. 2323-4, en vertu desquelles la saisine du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, pour qu’il ordonne la communication d’informations nécessaires à la formulation d’un avis motivé, n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour statuer, sont-elles contraires : 

au principe de participation garanti par l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; au droit au recours effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme ; au principe d’égalité devant la loi ? 

Si la Cour de cassation semblait accueillir assez favorablement les arguments soulevés devant elle à l’occasion de la QPC, le Conseil Constitutionnel a donné un véritable coup d’arrêt aux prétentions des requérants…mais ce coup d’arrêt ne met pas totalement fin pour autant au débat ! 

Le Conseil Constitutionnel balaie un à un les arguments soulevés par le requérant et les parties intervenantes notamment le Comité central d’entreprise d’EDF, soutenu par la Fédération FO de l’Énergie et des Mines. 

Sur la méconnaissance du principe de participation et le droit à un recours juridictionnel effectif, les requérants invoquaient le fait que le CE peut être réputé avoir rendu un avis négatif sur la question dont il est saisi par l’employeur sans que le juge ait statué sur sa demande de transmission des informations qui lui manquent pour rendre utilement son avis. A défaut de caractère suspensif de la saisine du juge et compte tenu de l’encombrement de la justice qui se prononce rarement en 8 jours (délai pour que le juge rende sa décision lorsqu’il est saisi par un CE pour qu’il obtienne une information précise et écrite), le recours du CE se trouve dépourvu de caractère effectif. 

Le Conseil Constitutionnel considère que le principe de participation et le droit à un recours juridictionnel effectif sont assurés dans la mesure où : 

  • le délai de 15 jours minimum laissé au CE pour lui permettre d’exercer utilement sa compétence constitue un délai suffisant (à noter que le projet d’ordonnance indique que le futur Comité social et économique (CSE) disposera à l’avenir d’un délai d’examen suffisant pour lui permettre de rendre un avis mais il ne prévoit plus de plancher fixé à 15 jours) ;
  • l’employeur doit transmettre au CE des informations précises et écrites et répondre aux observations qui lui sont faites afin de permettre au CE de formuler utilement un avis ;
  • le CE peut saisir le juge s’il estime que l’information est imprécise ou incomplète afin d’obtenir les informations manquantes. Si les textes excluent que cette saisine du juge, à elle seule, puisse avoir pour effet de prolonger le délai d’examen de l’avis, la loi a prévu que cette prolongation peut être décidée par le juge lui-même en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation d’un avis motivé du CE. Le juge doit tenir compte dans son appréciation du délai qui restera, après sa décision, au CE pour rendre son avis, afin de repousser ce délai pour que le CE puisse se prononcer de manière utile une fois l’information obtenue. Il est donc conseillé au CE d’agir rapidement en saisissant très tôt le juge (au risque de voir se multiplier les contentieux, ce que justement le législateur de 2013 voulait éviter) et lui demander de prolonger le délai dont le CE dispose pour rendre son avis…mais encore faut-il que le juge statue sur la demande du CE avant l’expiration du délai préfix. Si au jour où le juge se prononce, le délai pour que le CE rende son avis est expiré, celui-ci ne peut plus prolonger le délai préfix. Cette situation est une atteinte flagrante à l’effet utile de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002. Une action en responsabilité contre l’État du CE devant le tribunal administratif pourrait alors être envisagée ;
  • enfin, l’éventualité, à l’occasion de certaines procédures, du non-respect des délais prévus par la loi pour des motifs tenant aux conditions de fonctionnement des juridictions ne saurait suffire à entacher celle-ci d’inconstitutionnalité.

Sur la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, les requérants soulevaient que les dispositions contestées introduisaient une rupture d’égalité entre les justiciables selon que le juge respecte, ou non, les délais fixés par le législateur. 

Pour le Conseil constitutionnel, les dispositions en cause prévoient des règles et des délais identiques pour les CE qui saisissent le juge en application du deuxième alinéa de l’article L 2323-4 du code du travail si bien qu’elles n’établissent pas de différence de traitement entre les justiciables. 

Au surplus, l’éventualité d’une méconnaissance, par le juge, du délai fixé par la loi ne constitue pas une différence de traitement établie par la loi. 

Le Conseil constitutionnel prend le soin de préciser, pour conclure, que le quatrième alinéa de l’article L 2323-3 du code du travail et le dernier alinéa de l’article L 2323-4 du même code ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Les articles en cause sont donc conformes à la Constitution. Fermez le ban…pas tout à fait ! 

L’affaire pourrait se retrouver devant la Cour de justice de l’Union Européenne à l’occasion d’une question préjudicielle ou devant la Cour européenne des droits de l’Homme. La Conformité des articles en cause avec l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et concrétisé par la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 ainsi que l’article 8 de cette même directive pose question. Enfin, la conformité des articles contestés est posée au regard de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Peut-on considérer que le CE bénéficie d’un accès concret et effectif au juge lorsque le délai d’action du CE est imprévisible et irrésistible ? 

L’affaire est loin d’être terminée. La suite au prochain épisode… 

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