La “liste noire” des condamnations pour travail illégal était attendue

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat CFDT.

 

La loi « Savary »(1) a créé la possibilité pour le juge pénal de publier temporairement sur internet une “liste noire” des personnes morales et physiques qui ont été condamnées à une peine d’amende pour travail illégal. Un décret, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)(2), fixe les modalités de publication, permettant ainsi l’effectivité de cette nouvelle mesure. Décret n°2015-1327 du 21.10.15(3). 

 

La « liste noire » : une mesure phare de la loi « Savary »  

L’article 8 de la loi Savary prévoit la possibilité pour le juge pénal de publier temporairement sur internet « une liste noire » des personnes morales et physiques qui ont été condamnées à une peine d’amende pour travail illégal(travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main d’œuvre et emplois d’étrangers sans titre de travail). Il s’agitd’une peine complémentaire, non automatique(possibilité pour le juge pénal), limitée dans le temps (2 ans maximum) et diffusée sur le site du Ministère du travail. Pour que cette nouvelle mesure soit applicable, les conditions doivent être prévues par décret après avis CNIL. 

L’objectif de cette mesure est d’assurer une transparence sur les pratiques frauduleuses des entreprises à destination des clients potentiels. C’est la première fois qu’en France un juge pénal pourra prononcer une peine complémentaire prévoyant l’inscription d’une personne morale et physique condamnées pour travail illégal sur un site Internet accessible à tous. 

 

La mise en place attendue de cette nouvelle mesure 

Le décret d’application de la loi Savary, paru en 2015 (4), ne prévoyait pas les modalités de mise en œuvre de la « liste noire » et rendait ainsi impossible l’application de la mesure. Il prévoyait, notamment, les obligations des employeurs établis hors de France et détaillait la mise en œuvre de l’obligation de vigilance et de la responsabilité des maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants et co-contractants. 

C’est donc plus d’un an après la loi Savary qu’est publié le décret nécessaire à la mise en place de la « liste noire ». Il entre en vigueur à compter du 24 octobre 2015. Quelles sont les modalités de mise en œuvre prévues ? 

 

BON A SAVOIR 

La publication de la « liste noire » permettant la diffusion de données personnelles sur internet ne pouvait être mise en œuvre sans consultation préalable de la CNIL. Celle-ci a rendu un avis positif. Toutefois, elle souligne ne pas avoir été consultée avant l’adoption de la loi et met en garde contre une «systématisation de la diffusion sur Internet des condamnations», qui «par la portée infamante qu’elle comporte, serait de nature à porter une atteinte excessive aux droits et libertés fondamentaux». 

 

Les modalités de publication de cette « liste noire » 

– Le caractère définitif de la décision 

 

Afin de garantir le droit des personnes, le greffe de la juridiction ne peut transmettre la décision aux services du Ministère du travail que lorsqu’elle a acquis un caractère définitif. Ce qui suppose que toutes les voies de recours aient été épuisées (par ex : après écoulement du délai d’appel). Par ailleurs, la personne condamnée doit être informée de la transmission de la décision en vue d’une diffusion sur internet (5). 

A noter que si la juridiction a ordonné l’exécution provisoire (application de la condamnation sans attendre que les voies de recours soient épuisées), la décision pourra être publiée sur Internet alors qu’un appel ou une cassation est en cours. Dans ce cas, le décret prévoit que « lorsqu’au cours du délai de diffusion (…) les termes du dispositif de la décision diffusée sont confirmés ou modifiés par les juridictions supérieures, les services du ministre chargé du travail procèdent sans délai,(…) à la mise à jour de la partie dédiée du site internet (…)». C’est au greffe de la juridiction concernée de transmettre sans délai les nouvelles données nécessaires pour la modification des données, voir la suppression(6). 

 

BON A SAVOIR 

En matière pénale, la décision du juge ne peut être exécutée que lorsqu’elle est devenue définitive. L’exécution provisoire est en principe impossible en matière répressive, sauf dans certains cas (7). La peine complémentaire prévoyant la diffusion de la condamnation en fait partie et peut donc être ordonnée à titre provisoire (même si un appel ou une cassation est en cours). 

 

– Les informations mises en ligne (8) 

 

Les informations mises en ligne ont trait notamment à : 

– l’identification de la personne condamnée (les éléments varient selon qu’il s’agit d’une personne physique ou morale) ; 

– la nature de l’infraction ; 

– la date et le dispositif de la décision de justice ; 

– la date de mise en ligne ; 

-aux recours éventuellement exercés et à leur issue (appel, cassation). 

La peine complémentaire de diffusion prend effet à compter de la date de mise en ligne de la décision sur le site internet, pour la durée qui a été fixée par la décision(9). 

 

Des mesures conformes aux traitements de données personnelles informatisées 

La « liste noire » étant consultable par tous, librement et gratuitement(10), elle ne sera accessible qu’en se rendant sur le site du Ministère du travail. Les moteurs de recherche auront l’interdiction d’indexer et de référencer les données qu’elle contient(11). Cette mesure permet de prendre les mesures nécessaires pour assurer l’intégrité et la sécurité des pages sur lesquelles est diffusée la décision. 

L’autorité responsable du site internet est le Ministre du travail (direction générale du travail) qui conserve les décisions transmises par les greffes des juridictions pendant une durée de 5 ans avant de procéder à leur destruction. Par ailleurs doit être indiquée la possibilité pour la personne condamnée d’exercer ses droits d’accès et de rectification des informations. Toutefois, elle ne dispose pas de son droit d’opposition pendant la durée de la peine(12). 

En conclusion, la CFDT ne peut que se réjouir de la parution de ce décret mettant en place un nouvel outil qui sera sans nul doute dissuasif et efficace dans la lutte contre le travail illégal. Cela va dans le sens des nouvelles dispositions renforçant la lutte contre le travail illégal prévues par la loi Savary et la Loi Macron, ainsi que la nouvelle organisation de l’inspection du travail, permettant des contrôles plus nombreux et efficaces. 

 

 

(1) Art. 8 de la loi n°2014-790 du 10.07.14 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale. 

(2) Délibération n°2015-312 du 17.09.15 portant avis sur un projet de décret relatif à la mise en œuvre de a diffusion sur internet de certaines des condamnations pénales prononcées en matière de travail illégal. 

(3) Décret n°2015-1327 du 21.10.15 relatif à la diffusion sur un site internet de condamnations prononcées pour travail illégal. 

(4) Décret n° 2015-364 du 30.03.15 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement et à la lutte contre le travail illégal. 

(5) Art. R. 8211-2 du Code du travail. 

(6) Art. R. 8211-4 du Code du travail. 

(7) Art. 471 et 512 du Code de procédure pénale. 

(8) Art. R. 8211-3 du Code du travail. 

(9) Art. R. 8211-4 du code du travail. 

(10) Art. R. 8211-1 du Code du travail. 

(11) Art. R. 8211-6 du code du travail. 

(12) Art. 38 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. 

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