La grève « sauvage » peut parfois être prévisible pour le juge européen

La grève spontanée du personnel navigant d’une compagnie aérienne ne justifie pas le refus d’indemniser les clients. C’est ce que vient de juger la Cour de justice de l’Union européenne dans une décision rendue dans plusieurs affaires jointes. 

Dans les cas traités par la Cour de Luxembourg, une compagnie aérienne allemande a subi une grève spontanée de son personnel après l’annonce surprise d’un plan de restructuration. 

De ce fait, la grève n’ayant pas été prévue et organisée selon les dispositions légales et réglementaires, la compagnie considère que les annulations et retards de vols n’ont pas à être indemnisés. Elle estime que cette grève « sauvage » est une circonstance extraordinaire. 

Mais la CJUE n’est pas de cet avis. 

 

La grève spontanée ne libère pas la compagnie aérienne de son obligation d’indemnisation

Les voyageurs lésés par les retards et annulations dus à la grève non programmée du personnel de la compagnie aérienne allemande seront bien indemnisés. La Cour considère que la grève n’est pas si « sauvage » que cela car elle est due à l’annonce par le transporteur aérien d’une restructuration de l’entreprise. 

En d’autres termes, le juge nous explique que la grève spontanée est une conséquence sociale inhérente à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien qui annonce une restructuration ou une réorganisation. 

Peuvent être qualifiés de « circonstances extraordinaires » […] les événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercicenormal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à la maîtrise effective de celui-ci […], la « grève sauvage » en cause au principal ne saurait être considérée comme échappant à la maîtrise effective du transporteur aérien concerné. 

Outre le fait que cette « grève sauvage » trouve son origine dans une décision dudit transporteur aérien, il convient de relever que, en dépit du taux d’absentéisme élevé évoqué par la juridiction de renvoi, ladite « grève sauvage » a cessé à la suite d’un accord qu’il a conclu avec les représentants des travailleurs. 

Dès lors, une telle grève ne saurait être qualifiée de « circonstances extraordinaires » […]. 

De plus, le juge européen indique qu’il n’est pas possible de distinguer les grèves qui seraient légales d’après une base nationale, des grèves qui relèveraient de circonstances extraordinaires permettant d’échapper à l’obligation d’indemnisation.

Effectivement, une telle distinction ferait dépendre le droit à indemnisation des passagers du droit national de chaque Etat membre. Cela serait contraire au principe selon lequel un niveau élevé de protection doit être accordé d’égale manière à tous les passagers. 

La conséquence est claire pour toutes les compagnies aériennes : même si une grève n’est pas organisée conformément à la législation et provoque le retard ou l’annulation de vols, les passagers doivent être indemnisés dès lors qu’elle est la conséquence directe d’une politique sociale de l’entreprise. 

Retrouvez le texte intégral de l’arrêt en suivant ce lien

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