L’État doit-il ficher les salariés en utilisant les données émises par les entreprises dans le cadre de la DSN (déclaration sociale nominative)? C’est ce projet orwellien de transformer la sécurité sociale en outil de surveillance que propose deux sénatrices dans un rapport halluciné: Agnès Canayer (LR de Seine-Maritime) et Anne Émery-Dumas (LREM de la Nièvre).
Utiliser la déclaration sociale nominative (c’est-à-dire les fichiers URSSAF, pour aller vite) pour ficher les salariés et combattre la fraude sociale? C’est la proposition liberticide que deux sénatrices viennent de formuler.
Certains continuent d’affirmer que l’affiliation obligatoire au régime général de la sécurité sociale est une grande conquête sociale et une protection formidable pour les salariés. Voilà le genre de proposition qui nous remet les pieds sur terre et souligne le caractère bifide de la sécurité sociale: protéger oui, mais au prix d’une surveillance sans limite.
En l’espèce, la proposition des sénatrices consiste à proposer que les organismes sociaux chargés de servir des prestations sous conditions de ressources disposent des fichiers DSN pour calculer les revenus effectifs des assurés sociaux. Le fichier DSN, inventé pour simplifier les déclarations de salaires et les prélèvements de cotisations, servirait alors aussi à surveiller les revenus des allocataires de la sécurité sociale.
Allez, mesdames les sénatrices, encore un pas: proposez donc l’utilisation du numéro de sécurité sociale par les services de police, et le tour sera joué.
Vos rapporteurs ont été convaincues de la nécessité de faire évoluer l’ensemble du modèle qui repose sur des contrôles a posteriori vers un système de recueil des données avant le versement des prestations au profit d’une meilleure prévention des indus, et donc des indus frauduleux.
Dans ce domaine également, les possibilités offertes par la déclaration sociale nominative (DSN) sont très larges. Pour ce qui concerne les ressources, elle devrait permettre de disposer du montant des indemnités journalières versées par l’assurance-maladie ou encore des indemnités de chômage versées par Pôle emploi. Ne manqueraient dès lors que les pensions alimentaires ou encore les dons des proches pour apprécier les revenus des allocataires.
La DSN devrait être un puissant levier de simplification pour les allocataires mais aussi de productivité pour les caisses qui pourront cibler plus efficacement leurs contrôles sur d’autres sujets que les ressources.