L’adage « actori incumbit probatio… » trouve une application particulière lorsqu’il s’agit du paiement des salaires. Un arrêt récent de la Chambre sociale vient confirmer son régime probatoire.
Les faits de l’espèce
La question relative à la charge de la preuve en matière de paiement du salaire s’est à nouveau posée à l’occasion d’un litige survenu lors de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par une salariée. Après avoir obtenu du juge des référés l’octroi de provisions à valoir sur sa créance, elle a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes, notamment salariales.
Sur le seul examen des fiches de paie de la salariée, la cour d’appel de Versailles avait limité à une somme sa créance au titre de la rémunération variable pour l’année 2006, en constatant qu’entre août 2006 et octobre 2007, elle avait perçu une somme totale de commissions égale à 122 942 euros et qu’il lui restait donc dû la somme de 6 696 euros, outre les congés payés afférents.
Par un arrêt du 24 juin 2015 rendu au visa des articles 1315 du code civil et L. 3243-3 du code du travail, l’analyse des juges du fonds (réduite aux bulletins de paie) est censurée par la Cour de cassation.
L’analyse de la Cour de cassation
Pour les Hauts magistrats, l’employeur doit prouver le paiement du salaire, nonobstant la délivrance de la fiche de paie. Dans son attendu de principe, la Cour de cassation articule l’article 1315 du code civil – texte fondateur en droit de la preuve -, avec l’article L. 3243-3 du code du travail.
Le premier de ces textes dispose : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Aux termes du second : « L’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat ».
Il résulte de ce dernier article que tout travailleur qui s’est fait remettre son bulletin de paie, conserve malgré tout, ses droits d’agir en paiement ou en répétition de salaire, sous réserve bien évidemment du délai de prescription tel que précisé à l’article L. 3245-1 du code du travail (trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer). La remise du bulletin de paye par l’employeur ne l’exonère pas de la charge de la preuve.
En conclusion, l’employeur sera bien inspiré de conserver tout élément justifiant que le paiement du salaire a régulièrement été fait.