Comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises ces derniers mois, la branche des industries chimiques traverse une fort mauvaise passe en matière de dialogue social. Cherchant à appliquer les ordonnances à la lettre, les employeurs ne peuvent plus dialoguer qu’avec la CFDT. Le dernier accord salarial vient finalement d’officialiser la paralysie totale de la branche.
Un accord mal né
Cette année, la négociation de l’accord sur la grille des salaires a eu lieu dans un contexte pour le moins particulier. Tout à fait révoltées par le refus des représentants patronaux de continuer à définir au niveau de la branche, entre autres, l’ensemble des éléments composant jusqu’à présent le salaire : primes diverses, maintien de salaire en cas de maladie et indemnités de départ à la retraite, la CGT, FO et la CFE-CGC, représentant plus de 65 % des salariés, avaient décidé de ne pas participer à la négociation. “A quoi “ça sert” de négocier quelques dixièmes de pourcentage d’augmentation du salaire minimum si, dans le même temps, on laisse l’opportunité et la possibilité aux employeurs de baisser les salaires de 10, 20, voire 35 % ?” s’interrogeait notamment la CGT.
Se retrouvant seule à la table des négociations face aux différentes chambres patronales représentées, la CFDT était quelque peu sous pression. S’il est vrai qu’elle est la première organisation de la branche, il n’en demeure pas moins qu’elle n’est en effet pas majoritaire, loin s’en faut. Elle se savait donc attendue au tournant par la CGT, FO et la CFE-CGC, ce d’autant que son attitude peu critique à l’égard des ordonnances a pu laisser penser qu’elle s’estimait capable d’obtenir de réelles concessions de la part des employeurs dans le cadre des négociations. En signant, le 21 décembre dernier, l’accord salaire 2018 des industries chimiques, aux côtés de la quasi-totalité des chambres patronales de la branche, la CFDT a, en tout cas, signifié qu’elle jugeait tenir un compromis acceptable.
Une opposition frontale
Ayant digéré les repas des fêtes, les représentants de la CGT, de FO et de la CFE-CGC ont pu se pencher plus sérieusement sur l’accord qui venait d’être signé. Ils ont alors pu noter que, fait inédit depuis 2006, l’échelon d’entrée de grille était inférieur au SMIC – qui venait, certes, d’être revalorisé. En outre, ils ont découvert que l’accord prévoit que le droit à absence payée pour une hospitalisation d’un enfant de moins de 16 ans ne concerne pas les salariés des entreprises de moins de 50 salariés. Enfin, ils ont eu la confirmation que les employeurs n’entendent désormais plus discuter, au niveau de la branche, que des minima salariaux. Est-il vraiment nécessaire de préciser que ces trois éléments n’ont pas vraiment convaincu les responsables des trois organisations en question ?
Il les a d’ailleurs si peu convaincus qu’ils ont finalement décidé de s’y opposer formellement. Dans la mesure où la CGT, FO et la CFE-CGC représentent largement plus de 50 % des salariés de la branche, l’accord ne va pas pouvoir entrer en vigueur. On imagine sans peine la tête des dirigeants de la fédération CFDT de la chimie… Elle se retrouve désormais dans la position très inconfortable de seule interlocutrice du patronat de la branche, montrée du doigt pour sa docilité par les autres organisations syndicales. De leur côté, les représentants des employeurs apprécient sans doute à sa juste valeur le spectacle donné par le collège des représentants des salariés. Accessoirement, les chambres patronales apprécieront de n’être tenues par aucun accord salarial pour 2018.
Une branche durablement mise à mal
Plus généralement, les développements liés à la négociation, à la signature puis à la remise en cause de l’accord salaire du 21 décembre 2017 ont toutes les chances de remettre durablement en cause la branche de la chimie. Dans l’état actuel des choses, et pour longtemps encore, on imagine mal comment la CGT, FO mais aussi la traditionnellement plus calme CFE-CGC vont pouvoir participer sereinement aux travaux de la branche. On imagine tout aussi difficilement comment la CFDT, dont la légitimité apparaît aujourd’hui très fragilisée, va pouvoir elle aussi y participer sans risquer de se discréditer définitivement. Enfin, on voit mal les employeurs tenter de relancer un dialogue social de branche auquel, à l’évidence, ils préfèrent les négociations directement en entreprises.
Au total, en ce début d’année 2018, la chimie apparaît donc comme la première branche d’activité dont la pérennité est remise en cause par les ordonnances Travail.