La CGPME veut plus de réglementation numérique

La CGPME vient de publier 12 propositions sur le projet de loi sur l’économie numérique qui laissent songeur, tant elles obéissent à la fameuse règle de l’injonction paradoxale qui décrédibilise tôt ou tard les mouvements patronaux. Ceux-ci ont en effet une tentation systématique: celle de sacrifier une vision cohérente de l’organisation économique aux préoccupations immédiates et à courte vue de leurs (quelques) adhérents, les plus souvent des rentiers du système qui font preuve d’un conservatisme à toute épreuve. 

La CGPME et ses injonctions paradoxales

Ainsi, la CGPME n’a pas de mot assez dur, que l’on peut comprendre d’ailleurs, sur les innombrables strates de réglementation qui étouffent les entreprises. La question de la pénibilité en donne un exemple choisi.  

De fait, la préoccupation des chefs d’entreprise vis-à-vis de l’inventivité du législateur et de l’exécutif en matière de droit du travail est inspirée par une vraie sincérité. On ne le dira jamais assez: il faudrait mesurer la perte de productivité des entreprises du fait de l’inflation et de l’instabilité légale et réglementaire. 

Dans le même temps, la CGPME propose de développer… une véritable bible réglementaire pour encadrer le développement de l’économie numérique. C’est le nivellement par le bas: si on peut comprendre l’agacement d’un certain nombre de professions (notamment dans l’hôtellerie) concurrencée par les AirBnB et autres, la réaction finale ne manque d’étonner: au lieu de donner de vraies simplifications réglementaires pour les professionnels, la CGPME demande plus de réglementation pour ceux qui n’en ont pas encore. 

La règle comme protection contre les nouveaux entrants

Ce faisant, la CGPME illustre une fois de plus le sens de la règle en économie. Sous couvert d’organiser le marché, la règle sert en réalité à faire barrage aux nouveaux entrants. Elle vise à pénaliser ceux qui n’ont pas encore constitué une rente et qui sont obligés d’investir pour acquérir des parts de marché.  

D’une certaine façon, la CGPME joue ici à l’arroseur arrosé: d’un côté, elle n’hésite jamais à dénoncer des réglementations qui favorisent les “gros” au détriment des “petits” qu’elle représente. D’un autre côté, face aux innovations disruptives, elle appelle de ses voeux des réglementations qui protègent ses membres.  

Difficile cohérence de l’action syndicale! 

La CGPME entre dans le XXIè siècle à reculons

On regrettera forcément ce manque de vision sur l’économie numérique, alors que les start-up et les porteurs de rupture technologique sont des TPE ou des PME dont la CGPME pourrait tactiquement chercher à se faire la porte-parole. Au lieu de se faire l’écho de ces entreprises de croissance qui feront l’économie de demain, la CGPME semble préférer leur faire la guerre en demandant leur inclusion sous la camisole fiscale et réglementaire. 

On notera en particulier des propositions qui sont autant de boîtes de Pandore ouvertes à une mainmise accrue de l’Etat sur la vie des entreprises. La CGPME propose par exemple de “garantir, par des contrôles spécifiques, le respect de la législation actuelle qui prévoit que tous les particuliers susceptibles de faire un acte de commerce via ces plateformes doivent déclarer les revenus de cette activité dès le premier euro.” 

Plus de contrôle, plus de procédures pour lutter contre le progrès: ce genre de proposition comporte toujours un effet boomerang qui pénalise, in fine, toutes les entreprises! 

Décidément, les syndicats patronaux sont beaucoup plus à l’aise pour gérer la réalité plutôt que pour la changer. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

L’EIOPA accueille son nouveau directeur exécutif

Le conseil d'administration de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP ou EIOPA en anglais) vient de nommer son nouveau directeur exécutif. C'est Damian Jaworski qui est nommé à ce poste. Il doit encore être confirmé par le Parlement européen avant de prendre ses fonctions le 1er avril 2026. D'après le ...
Lire plus

L’Insee nous dit tout sur les seniors en perte d’autonomie à l’horizon 2070

La courbe démographique en France ne cesse de marquer le vieillissement de la population, entrainant par la même occasion l'augmentation du nombre de seniors en situation de perte d'autonomie. L'Insee et la Drees publient une étude commune qui montre que cette croissance sera forte jusqu'aux années 2045-2050 avant une stagnation à l'horizon des années 2070. ...

L’examen du PLFSS 2026 reporté au lundi 27 octobre

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (PLFSS 2026) devait être examiné en commission des affaires sociales à partir du jeudi 23 octobre 2025. Mais une lettre rectificative concernant l'insertion de la suspension de la réforme des retraites dans le texte impose de revenir à zéro. Le tout nouveau PLFSS 2026 doit donc être réexaminé en conseil des ministres et redéposé à l'Assemblée nationale. Conséquence directe : tout le processus est à...