Cet article provient du site du syndicat de salariés CFTC
11 octobre : l’Observatoire des inégalités rend son premier rapport sur la pauvreté en France. Ces statistiques nous procurent un éclairage pertinent sur les dispositions du Plan pauvreté annoncées par le gouvernement… et confortent la CFTC dans ses prises de position
5 millions de personnes pauvres en France. C’est le chiffre qui ressort du rapport de l’Observatoire des inégalités, organisme indépendant. Soit une stabilisation – enfin – de la pauvreté, après une hausse au milieu des années 1990, suivie d’une autre, plus soutenue, dans les années 2000.
Tordre le cou aux idées reçues
Casser les clichés persistants, évaluer l’impact des politiques publiques : c’est la raison d’être de ce rapport qui compile toutes les statistiques existantes, et, en l’occurrence, il ne déçoit pas ! 67 % des pauvres, rappelle-t-il, se situent dans les grandes villes et leurs banlieues. Ce qui ne nie en rien l’existence d’une pauvreté dans les territoires ruraux isolés. Mais ce n’est pas là qu’elle se concentre le plus. Idem sur les quartiers classés « prioritaires » : trois quarts des pauvres n’y vivent pas… L’action publique menée ne parvient donc pas à les toucher. La situation des Dom a également été éclaircie pour partie. La Martinique voit son taux de pauvreté relevé à 31 % (il était estimé à 10 points de moins) ; la Guyane laisse apparaître un taux de 50 %… Quant à Mayotte, il est inconnu du fait de « l’absence de données publiques assez précises » !
LE SAVIEZ-VOUS ?
- La France compte 5 millions de personnes pauvres
- Un cinquième d’entre elles travaillent pourtant !
- 35 % des personnes pauvres ont moins de 20 ans
- 25 % des personnes pauvres vivent dans une famille monoparentale
- Les trois quarts des personnes pauvres vivent hors des quartiers classés prioritaires
- La moitié des personnes pauvres ne le sont plus au bout d’un an ; 80 % au bout de quatre
Qui sont les pauvres ?
Des jeunes, en première ligne. 35 % des pauvres ont moins de 20 ans. Ils le sont car leurs parents le sont eux-mêmes ou parce qu’ils se retrouvent en difficulté d’insertion. La garantie Jeunes, que la CFTC a soutenue au titre d’une « avancée inédite », peut constituer un précieux point d’appui… Mais pas un rempart, le dispositif s’avérant trop restreint. Même si le Plan pauvreté le dote d’une enveloppe plus conséquente, « la CFTC souhaite que cette Garantie devienne un véritable droit, accessible à tout jeune remplissant les conditions ». La deuxième catégorie très exposée est celle des familles monoparentales, auxquelles appartiennent un quart des personnes pauvres. Sont également surreprésentées les personnes âgées et handicapées.
« Travailler n’est pas une garantie contre la pauvreté »
Si un quart des personnes pauvres sont au chômage, un cinquième d’entre elles (plus d’un million) travaillent pourtant ! La plupart du temps, elles sont soit à la tête d’une famille monoparentale, soit en emploi précaire : temps partiel, intérim, régime des indépendants… C’est l’une des raisons pour lesquelles la CFTC est si décidée à attacher les droits à la personne et non plus au contrat de travail. Un processus certes en cours, à travers la création du compte personnel d’activité – désormais, certains droits, essentiellement ceux à la formation, suivent la personne tout au long de sa vie –, mais que la CFTC souhaite voir étendu à l’ensemble des droits sociaux. Ce, pour renforcer la fluidité des parcours professionnels comme la protection des travailleurs, en atténuant les « ruptures » et « accidents » de la vie.
Et ce n’est pas ce rapport qui vient la contredire ! Lorsque l’Observatoire des inégalités se penche sur les statistiques de persistance de la pauvreté, il constate que, quatre années après être devenues pauvres, 80 % des personnes ne le sont plus (50 % au bout d’un an). La France est même l’un des pays d’Europe où la pauvreté est la moins durable. Cela signifie deux choses. D’une part, le modèle social à la française fonctionne encore. Non seulement ce système de solidarité permet à 5 millions de Français de ne pas basculer dans la pauvreté, mais il réduit aussi considérablement le phénomène de « trappe » dans laquelle, une fois tombé, on ne peut s’échapper. D’autre part, il valorise implicitement le système de « sécurisation des parcours » tel qu’il a été présenté dans le Statut du travailleur de la CFTC depuis déjà plus d’une décennie…
Lutter contre la pauvreté exige de sortir du raisonnement purement monétaire, souligne ce rapport. Ce que la CFTC a bien saisi, en réclamant l’actionnement d’autres leviers, tels que la création de places en crèches venant soulager les familles monoparentales et leur permettre d’accéder à un emploi, ou encore la maîtrise des nouvelles technologies, celle de la langue via des dispositifs de formation de type CléA , le logement, surtout, à travers la campagne CFTC « Pas de logement sans emploi, pas d’emploi sans logement »…
Le rapport, en tournant délibérément le dos à un alarmisme contre-productif, n’en dresse pas moins un état des lieux lucide de la pauvreté. Avec ses ombres persistantes, la situation des Dom, celle des seniors tombés dans la pauvreté et ne disposant pas des ressources pour en sortir, le taux élevé de non-recours, la perte de mobilité sociale… Mais aussi avec de véritables marges de manœuvre.