Cet article provient du site du syndicat CFDT.
L’article 64 de la loi Travail (1) a prévu la mise en place d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise. En principe, la mise en place de cette instance est négociée, à défaut les conditions en sont fixées par décret. Publié au début du mois de mai, celui-ci en précise les règles de négociation, ainsi que de fonctionnement, en présence d’un accord, comme à défaut d’accord. Décret n°2017-773 du 4 mai 2017, JORF n°0107 du 6 mai 2017.
- Conditions de mise en place de l’instance de dialogue social
Pour rappel, l’article 64 de la loi Travail prévoit la mise en place d’une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise répondant à 3 conditions :
1- le nombre de salariés des entreprises du réseau atteint au total au moins 300;
2- le contrat de franchise comporte « des clauses ayant un effet sur l’organisation du travail et les conditions de travail » ;
3- le réseau fait partie de ceux visés à l’article L.330-3 du Code de commerce, c’est-à-dire des contrats dans lesquels il existe un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité (à se référer à ce texte, il pourrait sans doute aussi s’agir d’un réseau de distribution, bien que le texte de loi n’évoque que les contrats de franchise).
Le décret rappelle ces conditions à l’article 1er de son Titre I, par ailleurs consacré aux modalités de demande d’ouverture des négociations en vue de la mise en place de l’instance de dialogue social.
- Demande d’ouverture d’une négociation pour la mise en place de l’instance
L’article 1er du décret précise les formes à respecter pour demander l’ouverture des négociations.
La demande d’ouverture des négociations doit être notifiée par tout moyen permettant de conférer une date certaine à sa réception (RAR, remise en mains propres contre décharge…) par une organisation syndicale représentative au sein de la branche ou de l’une des branches dont relèvent les entreprises du réseau, ou par une organisation syndicale représentative ayant constitué une section syndicale au sein d’une entreprise du réseau. L’organisation syndicale qui fait cette demande doit joindre « les documents de nature à justifier sa qualité pour présenter cette demande » à la notification.
Le franchiseur informe alors toutes les entreprises du réseau employant au moins un salarié de la demande et celles-ci doivent communiquer au franchiseur la moyenne de leurs effectifs sur l’année écoulée dans un délai de 15 jours.
Si les conditions de mise en place de l’instance ne sont pas réunies, notamment au regard de la condition d’effectifs (au moins 300 salariés dans le réseau), le franchiseur doit en informer les employeurs des entreprises du réseau et l’organisation syndicale à l’origine de la demande.
Si les conditions de mise en place sont réunies, un groupe spécial de négociation doit être constitué, en suivant les règles posées par l’article 2 du décret.
- Constitution et composition du groupe spécial de négociation
Afin de constituer le groupe spécial de négociation, l’article 2 du décret prévoit que le franchiseur doit solliciter les organisations syndicales représentatives dans la ou les branches, ainsi que les entreprises franchisées employant au moins un salarié pour mettre en place le groupe spécial de négociation, dans un délai de 2 mois suivant la date de notification de la demande. Le groupe spécial de négociation doit se réunir dans un délai d’1 mois à compter de cette sollicitation (article 2, I et II).
Le groupe spécial comporte deux collèges, composés d’un nombre égal de membres. Le collège salarié est composé de représentants des organisations syndicales de salariés et le collège employeurs de représentants du franchiseur et de représentants des employeurs de plusieurs entreprises du réseau. Il faut donc remarquer qu’en fonction du nombre de membres de ce groupe spécial et du nombre de représentants du franchiseur, certains employeurs pourront ne pas en faire partie.
Le nombre de membres est fixé en tenant compte du nombre d’organisations syndicales représentatives au sein de la branche, ou de l’une de ces branches, lorsque le réseau relève de plusieurs. Ceci est un progrès, sans doute obtenu grâce à l’intervention de la CFDT, car à l’origine le décret ne tenait absolument pas compte du nombre d’organisations syndicales pour fixer le nombre de membres de l’instance.
- Conditions de validité de l’accord et constat d’échec des négociations
L’article 3 du décret pose les conditions de validité de l’accord, ainsi que les modalités de constat d’échec des négociations.
La validité de l’accord est soumise aux conditions de signature suivantes :
-sa signature par le franchiseur ;
-sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau de la branche ou des branches dont relèvent les entreprises du réseau et ayant recueilli 30% des suffrages en faveur des organisations syndicales représentatives au niveau de la ou des branches concernées ;
-sa signature par des employeurs « dont les entreprises représentent au moins 30% des entreprises du réseau et emploient au moins 30% des salariés du réseau ».
La CFDT se félicite de l’ajout de cette condition relative au nombre de salariés employés dans la dernière version du décret. Cela permet d’enrichir la « représentativité » des employeurs signataires et s’inscrit dans la lignée de l’article L.2261-19 du Code du travail concernant le droit d’opposition patronal à l’extension d’un accord, ce qui est assez logique puisqu’aux termes de la loi, l’accord a vocation à « mettre en place une instance commune à l’ensemble du réseau », c’est-à-dire couvrant toutes ses entreprises employant des salariés.
Enfin, pour entrer en vigueur l’accord ne devra pas avoir fait l’objet de l’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau de la branche ou des branches concernées et ayant recueilli la majorité des suffrages à ce niveau. Cette opposition doit, pour être effective, être notifiée par tout moyen permettant de conférer date certaine dans les 8 jours suivant la date de signature (article 3, I, 4°).
L’accord doit être déposé à la DIRECCTE dans les mêmes conditions que n’importe quel accord collectif.
Si la négociation n’a pas abouti dans les 6 mois à compter de la première réunion du groupe spécial de négociation, le franchiseur doit établir un procès-verbal de désaccord, sauf si une majorité des membres du groupe spécial de négociation, dont un représentant du franchiseur, souhaite prolonger la négociation. Auquel cas, un nouveau délai pour aboutir doit être fixé et au terme de ce dernier, un PV doit être établi, en cas d’échec (article 3, III).
- Contenu de l’accord et dispositions applicables à défaut d’accord
Qu’il y ait ou non accord, l’instance doit être mise en place et une première réunion doit se tenir rapidement. En cas d’accord, la première réunion se tient dans les 2 mois suivant le dépôt de l’accord. A défaut d’accord, cette réunion se tient dans les 2 mois suivant le PV de désaccord (article 3, IV).
L’accord peut porter sur les sujets suivants : composition de l’instance, règles régissant le mode de désignation de ses membres, durée des mandats, fréquence des réunions, heures de délégation, modalités d’utilisation, dépenses de fonctionnement de l’instance et d’organisation des réunions, frais de séjour et de déplacement (article 1er du décret).
A défaut d’accord, le titre II du décret pose un certain nombre de règles.
Tout d’abord, le nombre de membres de l’instance, qui varie selon la taille de l’entreprise, sachant que celle-ci est composée de manière paritaire (article 5, I), ce qui peut paraître quelque peu incongru s’agissant d’une instance de représentation des salariés. D’autant plus que selon la loi celle-ci est censée traiter de problématiques propres aux salariés, lesquelles risquent ainsi d’être un peu noyées, puisque le nombre de représentants des salariés et de représentants des employeurs est identique…
Les modalités de désignation des membres, côté employeur comme côté salariés, sont précisées par les III et Iv de l’article 5. S’agissant des organisations syndicales, celles-ci « désignent, parmi les salariés du réseau, un nombre de représentants proportionnel à leur audience dans cette ou ces branches, selon la règle de la plus forte moyenne ».
Cette composition doit être transmise dans un délai de 45 jours à compter du dépôt de l’accord s’il y a un accord, mais qu’il est muet sur ce point, ou bien, en l’absence d’accord, à compter de l’établissement du PV de désaccord.
A défaut de stipulation conventionnelle, ou à défaut d’accord, la durée des mandats est de 4 ans (article 5, II).
Les articles 6 et 7 précisent les modalités de remplacement des membres lorsqu’une entreprise sort du réseau.
L’article 8 prévoit (à défaut de stipulation sur ce point, ou à défaut d’accord) que le temps passé par les représentants salariés aux réunions est rémunéré comme du temps de travail effectif. Le texte précise également que si le salarié a par ailleurs la qualité de représentant du personnel dans son entreprise, ce temps passé aux réunions, ainsi que le temps de trajet, n’est pas imputé sur ses heures de délégation au titre du mandat dans cette entreprise.
Quant aux frais de déplacement et de fonctionnement de l’instance, ils sont « engagés par le franchiseur », à charge pour lui de demander aux entreprises du réseau d’y contribuer à hauteur de la moitié et au prorata de leurs effectifs.
- Compétence juridictionnelle
L’article 9 du décret détermine la compétence juridictionnelle et les règles relatives à la saisine.
En cas de contestation relative à la mise en place ou au fonctionnement de l’instance, le tribunal d’instance statue en premier et dernier ressort. Le tribunal d’instance statue dans les 30 jours suivant sa saisine et sa décision est susceptible d’un pourvoi en cassation qui doit être formé dans les dix jours suivant le rendu de la décision.
Le tribunal d’instance compétent est celui du siège du franchiseur, et plus spécifiquement celui du 15ème arrondissement de Paris en cas de siège social situé à l’étranger.
Un délai de 15 jours pour saisir le tribunal d’instance est posé dans les cas suivants.
– A compter de la date de la première réunion du groupe de négociation en cas de contestation portant sur l’ouverture de la négociation.
– A compter de l’information des salariés de l’ouverture de la négociation, lorsque la contestation porte sur la composition du groupe spécial de négociation.
– A compter de la notification de l’opposition, le cas échéant.
– A compter du dépôt de l’accord, en cas de contestation de sa validité.
– A compter de la désignation des membres par le franchiseur, en cas de contestation de la composition de l’instance.
Un délai de 2 mois, suivant la notification de la demande d’ouverture des négociations, pour déclarer que le franchiseur n’a pas sollicité la constitution d’un groupe de négociation.