La CFDT en ordre de bataille chez Naval Group Lorient

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFDT.

Une bonne organisation, des outils appropriés, un suivi efficace et un inlassable travail de terrain : tels sont les ingrédients d’une stratégie d’adhésions en positif depuis près de dix ans pour la section CFDT du site lorientais de construction de navires militaires de surface. 

« On n’a malheureusement pas de recette miracle, juste des outils qu’on met en place progressivement », prévient d’emblée Franck Lavoine, le secrétaire de la section CFDT de Naval Group (ex-DCNS) de Lorient pour expliquer les bons chiffres d’adhésion à sa section. Depuis 2009, la CFDT réalise entre 20 et 30 adhésions par an. Résultat : un solde positif de 10 à 20 adhérents selon les années. « Nous n’avons eu aucun départ pour désaccord politique, précise Arnaud Kerzerho, élu CFDT au comité d’entreprise. Il y a quelques départs vers d’autres entreprises et des départs en retraite. À ces derniers nous proposons de rejoindre l’UTR [union territoriale des retraités]. » 

Sur ce vaste et impressionnant site lorientais où plus de 2 000 salariés Naval Group et un millier de sous-traitants et d’intérimaires travaillent à la construction navale militaire, plusieurs dizaines de métiers cohabitent et sont regroupés dans une quinzaine de secteurs d’activité. Dans le local CFDT, l’équipe a dressé un grand tableau de ces secteurs qu’elle coche chaque fois que l’un des permanents y intervient. « Il s’agit de n’oublier personne, explique Franck Lavoine. On tient des petites réunions pendant les pauses au cours desquelles on donne de l’information sur ce qui s’est dit dans les IRP [instances représentatives du personnel]. On fait aussi systématiquement des comptes rendus de ces instances. Ça coule de source selon nous mais il semblerait que ce ne soit pas le cas pour d’autres organisations syndicales. Résultat : des adhérents d’autres organisations viennent dans nos réunions. On ne sait jamais ce qui se passe dans le secret des urnes… » 

Pendant longtemps, le site a connu une sectorisation syndicale forte : la production à la CGT, les bureaux d’études à la CFDT, etc. « Depuis 2010, à la faveur d’une réorganisation complète des services, on a osé aller à la rencontre des salariés qui n’étaient pas de nos “fiefs”, raconte Arnaud Kerzerho. Au départ, l’accueil n’était pas toujours chaleureux mais, avec le temps, les gens se sont mis à nous parler franchement et ils ont compris qu’on leur apportait des informations qu’ils n’avaient pas. Et ça se traduit dans les résultats électoraux. » 

Trois organisations syndicales dans un mouchoir de poche 

Aujourd’hui, la CFDT est deuxième organisation syndicale sur le site à 27,37 %, dans un mouchoir de poche avec l’Unsa (28,5 %) et la CGT (27,19 %). « Notre objectif est de devenir la première organisation aux élections professionnelles d’octobre 2018. On aimerait prendre le comité social et économique. C’est un point de contact important avec l’ensemble des salariés », reconnaît Christophe Danet, le secrétaire du CHSCT, permanent CFDT et monsieur « juridique et retraite » de la section. Christophe contribue largement au succès de la section avec son point info-retraite. « Je prends tout le monde, les adhérents, mais aussi les salariés non adhérents. Tous repartent avec un bulletin d’adhésion… même s’ils ont 60 ans et ne sont plus là que pour deux ans, je prends », sourit-il. Christophe quittera bientôt la permanence CFDT de Naval Group pour se « reconnecter » avec le travail. Sandrine Rivoallan, trésorière du syndicat et permanente, et deux autres militants reprendront la compétence retraite. 

Autre clé de la réussite de la section, l’enquête qualité de vie au travail (QVT). « On a signé un accord QVT pour l’ensemble du groupe. La direction tarde à le mettre en œuvre, constate Franck Lavoine. En avril, on a lancé une enquête inspirée d’une proposition de la Confédération, avec des questions fermées et, à ce jour, nous avons obtenu près de 200 réponses. Nous nous appuierons dessus pour interpeller la direction sur des points précis soulevés par les réponses. On fera également un dépouillement en juin pour une restitution par tract à l’ensemble des salariés. Cette enquête et le tract de restitution sont de bons supports pour aller au contact des personnes. » 

La section CFDT défend l’idée d’être au plus près des souhaits des salariés et l’applique à de nombreuses décisions. « Selon l’importance de la question à traiter, on fait appel au bureau de section, soit une vingtaine de militants, ou bien à l’ensemble des adhérents, soit près de 300 personnes, lorsqu’on ressent le besoin d’impliquer tout le monde », explique Franck Lavoine. 

L’Afterwork, un outil convivial de développement 

Près de 40 % des travailleurs du site lorientais sont des cadres, une population que la section CFDT ne veut pas négliger. Ainsi, Sandrine Rivoallan a-t-elle concocté un événement Afterwork (« après le travail »), où la section invite une vingtaine de personnes à prendre un verre après le boulot. Après quelques éditions, l’Afterwork connaît son petit succès. « Cela crée du lien entre des gens qui ne se connaissent pas, c’est notre petite touche de vivre-ensemble, explique-t-elle. On a fait quelques adhérents grâce à cet événement et ça a incité des adhérents à franchir le pas du militantisme. » C’est le cas de Servane Robert. Cette employée du service d’approvisionnement a décidé, à 48 ans, de répondre positivement à la sollicitation de l’équipe CFDT pour s’investir dans la prochaine mandature : « Lorsque j’avais fait appel à la section, elle m’a immédiatement entendu et a réglé mon problème. Je voudrais rendre la pareille et puis, tout de suite, j’ai senti que j’avais ma place dans cette équipe. » 

Le site de Lorient devrait embaucher près de 200 salariés cette année. « Nous contactons les nouveaux par mail et courrier. On leur adresse un petit fascicule présentant le site, la CFDT et les avancées que nous avons obtenues, explique Franck Lavoine, et pour ceux qui veulent, on les invite par petits groupes de deux ou trois un midi autour d’un sandwich pour discuter, nous présenter et parler de l’action syndicale dans l’entreprise. » 

Benoît Gautier, 36 ans, ingénieur sur le site depuis 2016, a quant à lui décidé d’adhérer « pour rencontrer des gens des autres services mais aussi parce que la CFDT donne des informations qu’on ne trouve pas ailleurs. Elle est aussi capable d’anticiper les changements et le rapprochement avec l’italien Fincantieri nous interroge sur l’avenir ». De fait, cette question est dans toutes les têtes à Naval Group. « Il s’agit de créer une alliance européenne avec les Italiens en vue de faire face à la montée de la concurrence asiatique, analyse Arnaud Kerzhero. Pour l’instant, nous avons une longueur technologique d’avance et il nous faut la garder. Mais la question est : que deviendra le site de Lorient si les commandes diminuent et qu’un site italien fait la même chose que nous ? La CFDT revendique un débat avec la direction sur ce sujet. » Ce rapprochement pourrait se concrétiser très prochainement. Les salariés peuvent compter sur la vigilance de la CFDT. 

 

N’oublier personneAfin de n’oublier personne dans ses démarches de proximité, la section a affiché dans son local un grand tableau de l’ensemble des services du site de Naval Group Lorient. Chaque fois que l’un des membres de la section y intervient, il coche la case avec la date de son passage. Cela permet de visualiser très rapidement le travail effectué… et ce qui reste à faire. 

L’Afterwork du vivre-ensembleOffrir un verre dans un café proche du lieu de travail aux adhérents cadres sur le site : telle est la proposition de la section avec l’Afterwork (« après le travail »). Pour ceux qui n’ont guère de temps dans la journée de travail pour s’informer, échanger, faire connaissance avec des collègues d’autres services, c’est l’idéal. La section profite de l’occasion pour proposer à des sympathisants de participer dans le but d’en faire de futurs adhérents ou aux adhérents de s’impliquer davantage dans la vie de l’équipe CFDT. 

Des décisions partagéesDans un souci de proximité, les responsables de la section essaient d’associer le plus souvent possible le bureau de section, voire l’ensemble des adhérents. Dès qu’une décision le nécessite, les responsables convoquent les adhérents ou le bureau. De même pour argumenter sur la non-mise en œuvre par la direction d’un accord sur la QVT, l’équipe CFDT a lancé une enquête. Elle fera une restitution aux salariés et s’appuiera sur les réponses quand viendra le moment d’interpeller la direction. 

Habilitation aux zones confidentielles : la CFDT saisit le Défenseur des droits 

« Avec les attaques terroristes et le contexte sécuritaire, les demandes d’agrément pour travailler sur nos sites sont de plus en plus difficiles et longues à obtenir, constate Angelo Martin, l’un des deux délégués syndicaux centraux CFDT de Naval Group. Les refus sont plus nombreux, on a même été jusqu’à un licenciement. » Face à ces difficultés nouvelles, la CFDT a réagi sur trois niveaux. Elle a d’abord saisi le Défenseur des droits pour faire valoir le droit au travail ; il examine actuellement la situation. Ensuite, la Fédération des établissements et arsenaux de l’État (FEAE) CFDT a interpellé la direction générale des armées, qui délivre les habilitations, afin qu’elle accélère l’examen des demandes. Enfin, les sections CFDT interpellent les directions de site pour que seules les activités confidentielles soient classées comme telles et non l’ensemble du site. 

« Nous souhaitons en outre que les refus d’habilitation soient motivés. On aimerait savoir s’il suffit d’un excès de vitesse, d’un voyage en Turquie ou d’avoir un copain qui a fait un déplacement dans un pays jugé dangereux pour se voir refuser l’agrément, détaille Angelo Martin, et quelles sont les possibilités de recours. On ne peut pas succomber à la paranoïa et empêcher des gens de travailler. » 

Repères 

  • Naval Group est spécialisé dans l’industrie navale de défense et les énergies marines renouvelables. Le site de Lorient compte 2 063 personnels (17 % sont des femmes), dont 478 sont des fonctionnaires mis à disposition par l’État et 1 585 des salariés sous convention collective. Le site emploie aussi 1 000 sous-traitants et intérimaires.
  • 39 % des travailleurs du site sont cadres, 31 % techniciens et agents de maîtrise et 28 % ouvriers.
  • Aux dernières élections, l’Unsa était en tête avec 28,5 %, devant la CFDT (27,37 %), la CGT (27,19 %) et la CFE-CGC (13,8 %). La section compte 288 adhérents.

 

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