Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.
Le Conseil supérieur de la prud’homie a été consulté le 13 septembre 2016 sur plusieurs projets de décrets, notamment sur un texte modifiant le barème indicatif au niveau du bureau de conciliation et un autre instaurant un barème indicatif au niveau du bureau de jugement. C’est principalement sur ces deux premiers décrets que les échanges ont porté.
- Le barème indicatif devant le bureau de conciliation
Un second décret rehaussant les taquets du barème indicatif de conciliation (1),applicable en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse, au niveau du bureau de conciliation (barème qui existe depuis 2013) était également soumis à l’avis du CSP.
Celui-ci prévoit un barème allant de 2 mois de salaire (moins d’1 an d’ancienneté) à 24 mois de salaire.
- Le référentiel indicatif devant le bureau de jugement
– Rappel du contexte
L’article L. 1235-1 du Code du travail, modifié par la loi Macron, a instauré la possibilité pour le juge, lorsqu’il considère qu’un licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de prendre en compte un référentiel indicatif afin de fixer le montant des dommages et intérêts à allouer au salarié. L’article précise également que lorsque les parties en font conjointement la demande, l’indemnité est fixée par la seule application de ce référentiel.
Ce même article prévoyait que ce référentiel indicatif serait établi, après avis du Conseil supérieur de la prud’homie, selon les modalités prévues par décret en Conseil d’État, référentiel devant être établi en fonction notamment de l’ancienneté, de l’âge et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles.
Ce texte était resté lettre morte depuis l’adoption de la loi Macron à l’été 2015, jusqu’à une récente convocation du CSP, lequel étant invité à se prononcer sur le fameux référentiel indicatif du bureau de jugement.
– Le projet de décret soumis à l’avis du CSP prévoit la mise en place d’un référentiel construit à partir de l’ancienneté du salarié, avec une prise en compte à la marge de l’âge du salarié et de sa situation quant à d’éventuelles difficultés pour retrouver un emploi.
C’est ainsi qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dommages et intérêts qui pourraient être alloués iraient de 1 mois de salaire (pour les salariés justifiant, au moment de leur licenciement, d’une ancienneté inférieure à un an) à 21,5 mois de salaire (pour les salariés justifiant, au moment de leur licenciement, d’une ancienneté de 43 ans). Ces montants pourraient être majorés :
– d’1 mois pour les salariés âgés de 50 ans et plus,
– d’1 mois en cas de difficultés particulières de retour à l’emploi du salarié.
La CFDT, qui s’est opposée avec force à l’avènement d’un référentiel impératif, a accepté le principe du référentiel indicatif. Le projet de décret soumis au CSP est globalement acceptable quant à l’articulation entre les montants de dommages et intérêts proposés et l’ancienneté, même s’il nous apparaît important de retravailler sur certains aspects, notamment en ce qui concerne l’employabilité.
L’ensemble des organisations syndicales présentes, à l’exception de la CFTC (2), ainsi que des organisations patronales, se sont prononcées contre l’adoption du décret relatif au référentiel indicatif de jugement.
- Des montants, en lien avec l’ancienneté, globalement acceptables. Avec quelques réserves toutefois.
Globalement, la CFDT a expliqué que les hauteurs de dommages-intérêts fixées en rapport avec l’ancienneté pourraient être acceptables sous plusieurs réserves toutefois :
– Les taquets prévus pour les salariés ayant la plus faible ancienneté doivent être revus à la hausse. En effet, les taquets prévus, trop faibles, sont de nature à les dissuader d’agir. De même, les taquets prévus pour les salariés ayant entre deux et quatre ans d’ancienneté (entre 3 et 5 mois de salaire) sont inférieurs aux 6 mois minimum d’indemnisation prévus à l’article L.1235-3 du code du travail auxquels peuvent prétendre les salariés ayant 2 ans d’ancienneté minimum et travaillant dans une entreprise de 11 salariés et plus.
Une telle contradiction entre la loi et le règlement doit nécessairement être évitée. C’est pourquoi la CFDT a proposé que les taquets indemnitaires soient revus à la hausse.
– Le barème indicatif de conciliation et le barème indicatif de jugement doivent être construits sur la base de hauteurs indemnitaires similaires. En effet, dans les versions actuelles, les projets de décrets bâtissent des référentiels indemnitaires distincts. Le barème se veut plus favorable à la conciliation qu’au jugement, ce qui ne peut qu’inciter les employeurs à faire l’impasse sur la conciliation puisque la condamnation dont ils pourraient écoper serait potentiellement moins onéreuse qu’une conciliation.
- Une nécessaire adaptation de la prise en compte des autres critères
– Le critère de l’employabilité
Nous considérons que le juge doit pouvoir faire varier de manière conséquente le montant des dommages et intérêts lorsqu’il prend en compte ce critère de l’employabilité. Or, le projet de décret ne le permet que de manière trop dérisoire, en permettant au juge de bonifier les dommages-intérêts d’un mois de salaire dès lors qu’un problème d’employabilité aurait été détecté.
C’est pourquoi nous avons proposé de fixer une majoration variable de dommages-intérêts sur la base d’une fourchette suffisamment large (de 1 à 12 mois) en cas de préjudice lié à l’employabilité du salarié.
– Le critère de l’âge
Pour la CFDT, le critère de l’âge, aussi pertinent qu’il soit, ne doit pas nécessairement jouer un rôle majeur car il n’est que l’une des déclinaisons des difficultés d’employabilité du salarié. Aussi proposons-nous une majoration à hauteur d’un mois de salaire pour les salariés ayant entre 55 et 60 ans et de deux mois de salaire pour les salariés ayant entre 60 et 65 ans, à la condition que le critère de l’employabilité soit mieux pris en compte.
– La possibilité de prendre en compte d’autres critères
La loi Macronprécise que le barème indicatif devait être construit notamment sur la base de trois critères distincts (ancienneté, âge et employabilité). Le recours à l’adverbe notamment laissait à penser qu’il devrait être possible de recourir à d’autres critères que ces trois-là. Le projet de décret n’en dit pourtant rien.
C’est pourquoi nous avons proposé que le décret précise que, par-delà les trois critères visés, le juge conserve la faculté d’en prendre d’autres en considération.
- Les autres points abordés au CSP
Le CSP était également consulté sur :
– une lettre rectificative du décret désignation en ce qui concerne la représentativité patronale, ce sur quoi nous n’avons émis aucune remarque ;
– le projet de décret relatif à la création du système d’information pour le dépôt et la gestion des candidatures aux fonctions de conseillers prud’hommes. Sur ce texte, nous avons demandé un éclairage quant aux risques d’erreur par le mandataire au moment de l’affection des candidats dans les sections. A priori, le risque d’erreur est limité. En effet, en cas d’erreur d’affection dans une section au regard du code IDCC ou de la catégorie professionnelle, une infobulle apparaîtra sur l’écran pour le signaler. Nous en avons profité pour demander si une formation des mandataires à l’utilisation de l’outil informatique était prévue. La DGT nous a expliqué que cela n’était pas prévu pour l’heure, mais nous a rassurés sur le fait que l’outil informatique devrait être très simple d’utilisation.
Les questions diverses
– Les défenseurs
- A la question de savoir si l’ensemble des listes de défenseurs syndicaux étaient publiées, la DGT a confirmé qu’à l’exception de la Corse, l’ensemble des listes l’ont été par arrêté préfectoral (l’arrêté de Basse-Normandie devant être publié dans la semaine).
- A été soulevée la difficulté de l’absence du décret indemnisation pour les défenseurs syndicaux, et notamment le risque que certains employeurs refusent de prendre en charge les 10 heures mensuelles. La DGT, qui nous a précisé que le décret est en cours d’écriture, a insisté sur le fait qu’en cas de difficulté, un contact devait être pris auprès de la Direccte de rattachement.
(1) Décret n° 2013-721 du 2 août 2013 portant fixation du montant du barème de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 1235-1 du Code du travail.
(2) La CFTC s’est dit favorable au projet de décret