La Cour européenne des droits de l’homme s’est positionnée en défenseur de la liberté syndicale, en application de la liberté d’association, dans un jugement rendu le 22 septembre 2015.
Le Gouvernement Turc fustige la liberté syndicale
La Turquie avait déjà été condamnée en 2006 par la même Cour pour l’interdiction qu’elle pratiquait à l’encontre des fonctionnaires de créer des syndicats. Elle a ensuite était condamnée pour l’interdiction du droit grève opposée aux fonctionnaires en 2008.
Dans cette affaire, il y a deux requérants turques fonctionnaires de l’Etat, qui exercent le métier de professeur des écoles publiques. Ils sont membres du syndicat des salariés de l’éducation et de la science. Le 15 février 2005, les deux professeurs participent à une manifestation engagée pour « la paix mondiale contre la guerre mondiale », organisée par une plateforme regroupant partis politiques, syndicats, associations dont le syndicat auquel sont affiliés les requérants. Une manifestation véritablement pacifiste, qui a fortement déplu à l’administration turque.
Cette participation a conduit les deux professeurs à être soumis à une enquête disciplinaire, puis à des sanctions disciplinaires, puis un gel de leur avancement de grade et enfin une mutation. Les décisions disciplinaires considéraient que les deux professeurs avaient participé à une manifestation illégale en faveur d’un parti politique. Le droit turc sanctionne en effet les fonctionnaires des écoles publiques pour tout acte en faveur ou défaveur d’un parti politique.
Les requérants ont épuisé les voies de recours interne sans jamais obtenir un jugement en leur faveur. Ils ont donc saisi la Cour européenne des droits de l’homme, pour demander la reconnaissance de l’atteinte, à leur droit à la liberté d’association, engendrée par les sanctions et la mutation.
Le Gouvernement turc réfute la recevabilité des recours et les moyens des deux recours, qui ont été joints par la Cour en raison de leur similitude. Sur la recevabilité, l’autorité publique considère que l’ingérence dans le droit à la liberté d’association garanti par l’article 11 de la convention est justifiée. Donc pour le Gouvernement turc, le recours n’est pas recevable. En effet il soutient que les requérants préféraient manifester plutôt que d’aller travailler.
La Cour reconnaît amplement la violation de l’article 11
La Cour note d’emblée que les décisions contestées ont été prises en raison de la participation à une manifestation du groupement civil dont le syndicat de salariés de l’éducation et de la science était membre. Ce n’est pas l’absence au travail qui a causé les sanctions. La Cour donne raison aux requérants en jugeant que ces derniers ont participé à la manifestation dans l’exercice d’une activité syndicale et que les mesures de sanction et mutation sont des ingérences dans leur droit à la liberté d’association.
Enfin, le Gouvernement tente de justifier les mutations en conséquence d’un prétendu besoin social impérieux. Cependant, la CEDH considère que les mutations ont clairement étaient prises en raison de la prétendue action en faveur d’un parti politique. La Cour rappelle d’ailleurs que cette manifestation était pacifique, que les deux requérants ont participé de manière purement passive et ne voit pas en quoi, des actes des deux professeurs pourraient être assimilés à un parti politique. En conséquence, le Gouvernement a pris une mesure contraire à la liberté de manifestation pacifique.