Entrée en vigueur en 2017 dans les ordonnances travail, la barémisation des indemnités prud’homales vient d’être sévèrement critiquée et remise en question par le conseil prud’homale de Troyes. Seulement, la décision pourrait ne pas avoir l’effet escompté.
C’était l’une des mesures phares du programme d’Emmanuel Macron : le plafonnement des indemnités prud’homales. Cette mesure visait à accélérer les procédures en créant un tableau dans le lequel sont répertoriés les motifs qui donnent lieu à une indemnisation. Sont aussi définis à l’avance le montant de ces indemnités.
Si la mesure avait été adoptée malgré tout, le débat sur une revue à la baisse des indemnités qu’un salarié pouvait demander ayant été clôturé, voilà que la mesure recommence à faire parler et serait plus contestée que jamais. Mieux, elle serait contraire à plusieurs fondamentaux du droit international du travail.
Les ordonnances contraires au versement d’une indemnité adéquate et appropriée
Récemment, plusieurs jugements ont vu le conseil de prud’hommes court-circuiter l’avis du conseil constitutionnel qui rendait effective la mesure contenue dans les ordonnances travail. Un coup de semonce le jeudi 13 décembre où les prud’hommes de Troyes ont donné raison à un salarié qui demandait, suite à son licenciement économique, que ne soit pas retenu le nouveau barème d’indemnités.
Il motivait sa demande en affirmant que le plafonnement des indemnités contrevenait à la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et la Charte Sociale Européenne. Ces textes prévoient qu’en cas le licenciement abusif, la juridiction doit verser au salarié une « indemnité adéquate ».
Ainsi, les ordonnances instaurent le fait que l’indemnité perçue ne peut être supérieur à 20 mois de salaire brut. Seule la discrimination, le harcèlement et la violation des libertés fondamentales peuvent donner lieu à un dépassement du plafond. Une limitation vivement critiquée par le tribunal de Troyes.
Ce plafonnement ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi. ces barèmes ne permettent pas d’être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse un salarié. Ces barèmes sécurisent davantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables.
Le conseil de prud’hommes de Troyes a finalement décidé que le double du montant prévu serait versé au salarié en question. La décision rendue a été saluée par le syndicat des avocats de France. Ce dernier explique que « ces décisions ouvrent la voie de la résistance des juges contre cette réforme inacceptable. »
Peut-on revenir sur les ordonnances et la barémisation ?
Pour que cette brèche soit définitivement ouverte, il faut encore que la cour d’appel et la cour de Cassation entérinent les jugements rendus. La réponse devrait être connue dans les prochains jours.
Parallèlement, la juridiction du Mans avait rendu une décision toute contraire à celle des prud’hommes de Troyes. Dans une seconde affaire, l’instance estimait que le barème était tout à fait légal et ne contrevenait pas aux textes en vigueur qui régissent le travail.
Interpellé, le ministère du Travail a déclaré s’être déjà penché sur les jugements en question. Et à l’époque, les arguments retenus pour invalider la grille d’indemnités n’avaient pas été retenus. Mieux, le ministère explique que par ces jugements, ce n’est pas la légalité de la grille qui est interrogée mais plutôt « la formation juridique des conseillers prud’homaux ».
Vous l’aurez compris, chaque nouvelle décision sera brandie au choix, par le camp des pour ou par celui des contres.