Journée de la femme : non, le repos accordé aux femmes n’est pas discriminatoire

La Cour de cassation a récemment rendu une décision en faveur de l’égalité des chances entre les sexes. En effet, à l’occasion de la journée de la Femme, une société de transport niçoise (ST2N), avait accordé une demi-journée de repos aux seules femmes de l’entreprise. Un salarié avait alors soulevé le caractère inégalitaire et discriminatoire de cette mesure et en conséquence l’atteinte porté au principe d’égalité de traitement entre les salariés. 

 

La cour d’appel valide le repos accordé aux seules femmes de l’entreprise

Le principe d’égalité de traitement prévoit que les salariés placés dans des situations comparables doivent être traités de la même manière et bénéficier des mêmes avantages. Néanmoins et par exception, une différence de traitement est possible à la seule condition qu’elle repose sur des éléments objectifs, pertinents et vérifiables. 

Le salarié demandait, en se fondant sur ce principe, à ce que lui soit accordé, à l’instar des femmes de l’entreprise, le bénéfice de cette demi-journée de repos. 

La cour d’appel a rejeté la demande du salarié, car selon elle, cette différence de traitement était en réalité basée sur une raison objective : la journée de la femme poursuit l’objectif de favoriser la lutte des femmes pour l’égalité entre les sexes. A cette occasion, la ccur d’appel a rappelé que cette égalité hommes/femmes est loin d’être acquise dans le milieu professionnel. 

A cela, le salarié souligne que rien ne justifie que les hommes soient exclus de cette lutte pour l’égalité hommes/femmes. En conséquence, il devrait pouvoir, lui aussi, bénéficier de cette demi-journée de repos. La cour d’appel violerait ainsi l’article L3221-1 du code du travail relatif à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes : les femmes bénéficient du même salaire que les hommes tout en travaillant une demi-journée de moins. 

 

La Cour de cassation s’appuie sur l’égalité des chances pour rejeter la demande du salarié

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le salarié. Pour ce faire elle s’appuie sur trois dispositions du code du travail qui nous permettent de faire un état des lieux de la législation relative à l’égalité des chances entre les sexes. 

L’article L1142-4 prévoit la possibilité de mettre en place des mesures temporaires en faveur des femmes afin d’établir l’égalité des chances entre les sexes. Cet article vise particulièrement les mesures qui remédient aux inégalités qui affectent les chances des femmes. Ces mesures, prévues par des dispositions réglementaires, par des accords collectifs ou de branches, ou en application du plan pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne portent ainsi pas atteinte au principe d’égalité entre les sexes prévu par les articles L1142-1 et L1142-3 du code du travail. 

L’article L1143-1 prévoit, lui, la possibilité de mettre en poeuvre ces mesures via un plan pour l’égalité professionnelle négocié en entreprise. Sur ce point, l’article L1143-2 permet à l’employeur de mettre en place le plan pour l’égalité professionnelle, même si aucun accord n’est intervenu au terme de la négociation organisée au sein de l’entreprise. Pour cela il doit néanmoins avoir préalablement consulté et recueilli l’avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. 

De la même manière la Cour de cassation s’appuie sur le doit de l’Union européenne qui prévoit dans son article 157 (paragraphe 4) TFUE la possibilité pour les Etats membres de mettre en place des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par les femmes. Ces mesures peuvent également avoir comme objectif de compenser les désavantages dans la carrière professionnelle de celle-ci : c’est ce que l’on appelle une inégalité compensatrice. 

La Cour de cassation affirme ainsi que sur le fondement de ces différents articles, il est possible qu’un accord collectif prévoit une demi-journée de repos au bénéfice des seules femmes lors de la journée internationale pour le droit de la Femmes. 

La Cour de cassation formule alors son attachement au principe d’égalité des chances entre les sexes. Cette demi-journée qui vise à établir cette égalité des chances en remédiant aux inégalités qui affectent spécifiquement les femmes ne porte donc en aucun cas, selon la Cour suprême, atteinte au principe d’égalité de traitement car elle s’inscrit simplement dans une logique d’inégalité compensatrice. 

Cet arrêt est en tout point favorable aux causes féministes : la Cour de cassation promeut la cause de l’égalité entre les sexes et reconnaît la nécessité de mettre en œuvre des mesures qui y sont favorables. 

Néanmoins, des critiquent peuvent être formulées : une demi-journée de repos à l’occasion de la journée de la femme facilite-t-elle réellement l’exercice de l’activité professionnelle de la femme ? Peut-elle être également considérée comme une inégalité compensatrice ? 

Ces questions sont à la base de plusieurs mouvements de contestation qui se sont levés suite à cette décision qui ne serait que purement « symbolique ». 

 

Vous trouverez ci-après l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 juillet 2017, en son intégralité : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er septembre 2015), que M. X…, engagé à compter du 3 novembre 2008 en qualité de conducteur de bus par la société ST2N, a été licencié le 26 octobre 2012 ; qu’il s’était porté candidat aux élections professionnelles du 5 avril 2012 ; qu’estimant subir une discrimination à raison de son activité syndicale ainsi qu’une inégalité de traitement, il a saisi la juridiction prud’homale ; 

Sur les premier et deuxième moyens : 

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier et le deuxième moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; 

Sur le troisième moyen : 

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de limiter à une certaine somme le montant des dommages-intérêts alloués pour non-respect du principe de l’égalité de traitement, alors, selon le moyen, que le principe d’égalité interdit de traiter de manière différente des situations comparables, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée ; que le salarié soutenait qu’il faisait l’objet d’une différence de traitement injustifiée au regard de l’octroi aux seules femmes de l’entreprise d’une demi-journée de repos à l’occasion de la journée de la femme ; qu’en jugeant la différence de traitement justifiée par la nécessité de favoriser la lutte des femmes dans leur combat pour une égalité avec les hommes non acquise dans le milieu professionnel quand rien ne justifie que les hommes soient exclus de ce combat pour l’égalité hommes/femmes, la cour d’appel a violé l’article L. 3221-1 du code du travail ; 

Mais attendu qu’en application des articles L. 1142-4, L. 1143-1 et L. 1143-2 du code du travail, interprétés à la lumière de l’article 157, paragraphe 4, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, un accord collectif peut prévoir au seul bénéfice des salariées de sexe féminin une demi-journée de repos à l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes, dès lors que cette mesure vise à établir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes ; que c’est dès lors à bon droit que la cour d’appel a statué comme elle l’a fait ; que le moyen n’est pas fondé ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

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