Inégalité de salaires : la CFDT revient sur la récente décision de la Cour de cassation

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFDT.

 

La Chambre sociale vient d’opérer un revirement de jurisprudence en matière d’égalité de traitement en cas de transfert conventionnel des contrats de travail. Pour la Haute juridiction, une différence de traitement entre les salariés, dont le contrat de travail est repris en application d’une convention collective, et les salariés de l’entreprise d’accueil « n’est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d’égalité de traitement ». Cass.soc.30.11.17, n°16-20532 à 16-20549. 

 

  • Faits, procédure et prétentions

En application de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, une société attributaire du marché de nettoyage du site « banque de France » a repris les salariés affectés à ce site, à la suite de la perte de marché par leur employeur. 

Or, certains salariés de l’entreprise d’accueil touchaient une prime de 13è mois en raison de la reprise de leur rémunération lors d’un précédent transfert. 

Une bonne vingtaine de salariés ont donc décidé de saisir le conseil de prud’hommes pour demander le paiement de ladite prime sur le fondement du principe d’égalité de traitement. 

Le conseil de prud’hommes leur a donné raison considérant que les salariés accomplissaient le même travail pour un même employeur et sur le même chantier. Pour les juges du fond, l’employeur ne démontrait pas l’existence d’une raison objective et pertinente justifiant la différence de rémunération. Un pourvoi a alors été formé par l’employeur. 

  • Transferts conventionnels : les différences de traitement présumées justifiées

La décision des juges prud’homaux se basait sur l’acception stricte de l’égalité des rémunérations entre les différents salariés en cas de transfert. Elle faisait toutefois peu de cas des évolutions jurisprudentielles antérieures en matière de négociation collective. 

Saisie du pourvoi, la Chambre sociale a dû répondre aux questions suivantes. La différence de rémunération entre salariés d’une même entreprise effectuant un même travail peut-elle être considérée comme justifiée par la circonstance que celle-ci résulte des différences préexistant au transfert et qui, dans le cadre des garanties conventionnelles, ont été maintenues ? Qui plus est, l’employeur doit-il apporter la preuve du caractère justifié de cette différence de traitement ou bien celle-ci est-elle présumée justifiée du fait qu’elle est la conséquence de l’application d’une convention collective ? 

Dans un arrêt important, publié et destiné à figurer au rapport annuel de la Cour de cassation, la Chambre sociale resitue sa décision dans le cadre de l’évolution jurisprudentielle entamée en 2015, selon laquelle les différences de traitement instaurées par accords collectifs sont présumées justifiées (1). En effet, la Haute juridiction affirme solennellement dans un attendu de principe que : 

« l’évolution jurisprudentielle de la législation du travail en matière de négociation collective et de la jurisprudence en ce qui concerne le principe d’égalité de traitement à l’égard des accords collectifs conduit à apprécier différemment la portée de ce principe à propos du transfert des contrats de travail organisé par voie conventionnelle ». 

D’où il résulte, selon elle, que : « la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d’une garantie d’emploi instituée par voie conventionnelle (…) et les salariés de l’employeur entrant, qui résulte de l’obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n’est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d’égalité de traitement ». 

La Cour de cassation fait donc une application sans réserve de sa jurisprudence en matière de différences de traitement d’origine conventionnelle : celles-ci sont présumées justifiées. 

Pourtant, dans une décision antérieure, la Cour de cassation avait appliqué le principe d’égalité de traitement aux transferts des contrats de travail par application d’une convention collective. Selon elle, le transfert ne résultant pas de l’application de la loi, le maintien des contrats n’était pas « destiné à compenser un préjudice spécifique » et la règle d’égalité de traitement avait donc vocation à s’appliquer (2). 

Bien qu’à rebours de ces solutions antérieures en matière de transfert conventionnel, la décision du 30 novembre que nous commentions, est dans la droite ligne des récentes évolutions législatives. 

Tout d’abord les ordonnances ont prévu une présomption de légalité des accords collectifs. En effet, aux termes du nouvel article L 2262-13 du Code du travail: « Il appartient à celui qui conteste la légalité d’une convention ou d’un accord collectif de démontrer qu’il n’est pas conforme aux conditions légales qui le régissent »

Ensuite, des dispositions spécifiques portent précisément sur l’application de la règle d’égalité de traitement en matière de transferts conventionnels. Ainsi, le nouvel article L.1224-3-2 du Code du travail, lui aussi issu de l’ordonnance du 22 septembre dernier (3), dispose-t-il que : « Lorsqu’un accord de branche étendu prévoit et organise la poursuite des contrats de travail en cas de succession d’entreprises dans l’exécution d’un marché, les salariés du nouveau prestataire ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d’avantages obtenus, avant le changement de prestataire, par les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis ». 

Si le revirement est bien réel, il n’a donc rien de surprenant. Comme le souligne la Cour, cette solution s’inscrit parfaitement dans une évolution générale destinée à favoriser la négociation collective, en matière de transfert comme en d’autres domaines. 

 

(1) Cass.soc.27.01.15, n°13.22179. 

(2) Cass.soc.16.09.15, n°13-26788. 

(3) n°2017-1387. 

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