Harcèlement sexuel : la Cour de cassation reconnaît une double indemnisation aux victimes

Cet article provient du site du syndicat CFDT.

Le harcèlement sexuel peut être caractérisé par un fait unique. Il peut également donner lieu à une double indemnisation, en présence de préjudices distincts. Cass.soc.17.05.17, n°15-19300. 

  • Rappel des faits

Après avoir travaillé pendant près d’un an au sein d’une association, une salariée a démissionné, puis elle a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification de sa démission en licenciement nul. Elle soutient en effet que sa démission était motivée par des faits de harcèlement sexuel dont elle aurait été victime. Elle formule également une double demande d’indemnisation : 

– la première, sur le fondement de l’article L.1153-1 du Code du travail, pour avoir subi un harcèlement sexuel ; 

– la seconde, sur le fondement de l’article L.1153-5 du Code du travail, pour violation par l’employeur de son obligation de résultat, lequel n’aurait pas appliquée les mesures nécessaires pour prévenir le harcèlement sexuel. 

Pour la débouter de ses demandes, la Cour d’appel retient : 

– qu’il n’est pas possible de demander des dommages et intérêts en raison du préjudice physique et moral subi en raison de faits de harcèlement moral tout en réclamant des dommages et intérêts en raison de la violation de l’obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral ; 

– qu’un fait isolé, établi par la salariée, ne peut constituer un harcèlement sexuel, lequel suppose la répétition d’agissements. 

Saisie du pourvoi, la Cour de cassation a donc dû répondre à deux questions distinctes. 

– Un fait, isolé, permet-il de laisser présumer l’existence d’un harcèlement sexuel ? 

En cas de réponse positive, la victime d’un harcèlement sexuel peut-elle obtenir une double indemnisation, en invoquant la violation de deux obligations légales distinctes ? 

  • Le fait unique permet-il de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel ?

A cette première question, la Cour de cassation répond positivement. 

Au visa des articles L.122-46 et L.122-52 du Code du travail (les faits ayant été commis en 2004) devenus les articles L.1153-1 et L.1154-1, la Cour de cassation énonce qu’un « fait unique peut suffire à caractériser le harcèlement sexuel ». Puis, après avoir constaté que la cour d’appel avait relevé « que le président de l’association avait conseillé à la salariée qui se plaignait de coups de soleil de dormir avec lui dans sa chambre, ce qui lui permettrait de lui faire du bien », la Cour de cassation retient que « la salariée établissait un fait qui permettait de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel », et censure par conséquent la cour d’appel sur ce point. 

Ainsi, contrairement au harcèlement moral, qui suppose l’existence d’agissements répétés, cela n’est pas exigé en cas de harcèlement sexuel, qui peut être constitué, comme l’indique le Code du travail dans sa version postérieure à 2012, par « toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle »

Cet attendu de la Cour de cassation est à saluer : en effet, en présence d’un fait, d’une gravité importante, susceptibles de porter atteinte lourdement à la dignité et la santé de la salariée, comment aurait-on pu admettre qu’il ne puisse être qualifié de harcèlement sexuel ni sanctionné, au prétexte qu’il aurait été unique et non répété ? 

  • La victime d’un harcèlement sexuel peut-elle obtenir une double réparation ?

A cette seconde question, la Cour de cassation répond également positivement. 

Reprenant à l’identique la solution dégagée en 2002 au sujet du harcèlement moral (Cass.soc., 6.06.12, n°10-27694), la Cour de cassation retient que « les obligations résultant des articles L.1153-1 et L.1153-5 du Code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices distincts, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques »

Ainsi, la victime d’un harcèlement sexuel comme celle d’un harcèlement moral, dès lors qu’elle est en mesure de démontrer l’existence de préjudices distincts, est-elle parfaitement fondée à réclamer des dommages et intérêts en raison du harcèlement sexuel dont elle a été victime, ainsi que des dommages et intérêts en raison de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité en la matière. 

A nouveau, cet attendu est logique dès lors qu’il s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence dégagée au sujet du harcèlement sexuel. Le message passé aux employeurs est fort : préserver les salariés de tout risque de harcèlement sexuel est une obligation fondamentale qui fait écho au respect de la dignité et de la santé du salarié. Manquer à ce devoir expose l’employeur à de lourdes condamnations… 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

Un premier avenant intéressant pour la PSC du ministère de l’Intérieur

Un an après la signature de l’accord ministériel du 16 mai 2024 sur la protection sociale complémentaire (PSC) des agents du ministère de l’Intérieur et des outre-mer, un premier avenant est venu, le 12 mars 2025, en corriger plusieurs aspects. Publié au Journal officiel d'aujourd'hui, ce texte modifie la structure des bénéficiaires, ajuste un article sur la gouvernance et corrige une rédaction ambiguë sur les ayants droit. La principale évolution porte sur...

Budget 2025 : plus de 33 milliards d’euros alloués aux établissements médico-sociaux par la CNSA

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui, fixe pour l’année 2025 l’objectif de dépenses et le montant total annuel des financements alloués aux établissements et services médico-sociaux relevant de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). L’objectif de dépenses est établi à 33 248,30 Md€ pour l’ensemble du secteur. Ce montant se répartit entre 17 538,87 Md€ pour les établissements et services accueillant des personnes âgées...

Dotations médico-sociales 2025 : 32,55 Md€ répartis entre les régions par la CNSA

Par décision du 2 juin 2025, publiée au Journal officiel d'aujourd'hui, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a fixé les dotations régionales limitatives applicables aux établissements et services médico-sociaux pour l’année 2025. Ces dotations, réparties par Agence régionale de santé (ARS), concernent à la fois les structures accueillant des personnes âgées et celles destinées aux personnes en situation de handicap. Le montant total...