Batailles rangées avec les forces de l’ordre, commerces saccagés et pillés, voitures incendiées : comme tout le monde le sait, samedi, la manifestation parisienne des “gilets jaunes” a tourné à l’émeute. En province, plusieurs défilés ont donné lieu à des scènes identiques. Malgré cette évolution des choses, la population continue de soutenir le mouvement de protestation. Plus que jamais, la France vit au rythme des “gilets jaunes”.
Scènes d’émeutes
Les images ont fait la Une de tous les médias français et de nombreux médias internationaux : samedi, la capitale a été le théâtre d’une manifestation d’une rare violence. Forces de l’ordre, commerces, véhicules et même immeuble d’habitation : le déchaînement de la colère populaire a pris pour objet tout ce qui se trouvait sur son passage. Cette configuration a également pu être observée dans un certain nombre de villes de province, comme à Marseille, Avignon, Toulouse, Bordeaux, Dijon ou le Puy-en-Velay. Il est ici inutile de s’attarder plus longuement sur les développements précis de ces manifestations, tout le monde les ayant bien en tête en ce lundi matin. Insistons plutôt sur le fait qu’aujourd’hui, plus personne ne peut ignorer ou nier que la France se trouve dans une situation explosive. Finies les lascives escapades antillaises, retour à la terrible réalité du petit peuple français.
Soutien populaire
La partie du Président de la République est d’autant plus difficile que, malgré les violences qui ont lieu samedi, les Français continuent de soutenir massivement le mouvement des “gilets jaunes”. Ce matin, les médias se faisaient l’écho d’un sondage indiquant que près de 75 % des personnes interrogées étaient d’accord avec la mobilisation – soit un niveau similaire à celui relevé la semaine dernière. Autrement dit, tout indique que la stratégie gouvernementale du pourrissement – stratégie bien connue de “l’élite” auto-proclamée de notre pays – ne fonctionne absolument pas. Transformés par les pouvoirs publics en fréquents hors-la-loi du quotidien : par les radars présents partout, par les 80 km/h, par la lutte contre l’argent liquide, par l’interdiction de la fessée, etc., les Français semblent prêts à accepter l’idée qu’il n’est pas illégitime de recourir à la violence pour se faire entendre.
Echos meusiens
En Meuse, à Bar-le-Duc, d’où sont écrites ces quelques lignes, la mobilisation contre la politique gouvernementale n’a, certes, pas suivi la même inflexion virulente. Ceci étant dit, des barrages demeurent à plusieurs points stratégiques de la ville, empêchant, ou limitant fortement, le trafic des poids lourds. Les “gilets jaunes” rencontrés sur ces barrages n’expriment pas du tout de lassitude, bien au contraire : ils apparaissent déterminés à aller jusqu’au bout pour obtenir gain de cause. Par ailleurs, les radars présents sur les routes locales ne sont désormais plus seulement détériorés : ils sont incendiés. Du côté de la population en général, les gilets jaunes s’étalent toujours sur une majorité de tableaux de bord. Ainsi la population meusienne, traditionnellement peu portée à la radicalité politique, exprime-t-elle son soutien aux “gilets jaunes” et son exaspération profonde vis-à-vis du cours des choses.
Un discrédit général
Dans ce contexte socio-politique très dégradé, chacun se demande évidemment comment le Président de la République va répondre aux revendications populaires. Il semble inévitable qu’il renonce aux diverses hausses de taxes prévues pour l’an prochain. Hélas pour lui, même dans ce cas, il n’est pas dit que ceci sera suffisant. Car au-delà des revendications matérielles qu’ils mettent en avant, les “gilets jaunes” et, derrière eux, une grande partie de la population, expriment un rejet de la plupart des institutions politiques, économiques et médiatiques. Or, dans l’histoire, ces périodes où l’humeur nationale en est venue à se caractériser par la défiance généralisée à l’égard des élites sortantes se sont généralement accompagnées de changements institutionnels autrement plus importants que quelques ajustements mineurs – en l’occurrence : des annulations de taxes.