Interrogés avant le mouvement des “gilets jaunes” afin qu’ils donnent leur position à son sujet, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT et Laurent Berger, son homologue de la CFDT, s’étaient montrés pour le moins critiques, dénonçant notamment la supposée mainmise de l’extrême-droite sur la mobilisation. Ladite mobilisation s’étant avérée réussie, les deux dirigeants syndicaux ont finalement baissé d’un ton.
“No pasaran !”
Jamais en retard d’une croisade contre le fascime, Philippe Martinez avait, à deux reprises, pris très clairement ses distances avec le mouvement des “gilets jaunes”. Fin octobre, la CGT avait ainsi rédigé un tract dans lequel elle affirmait que ce mouvement était “une mobilisation d’extrême-droite”. La semaine dernière, M. Martinez a réaffirmé cette position : expliquant que la CGT ne se mobiliserait pas car il est “impossible d’imaginer la CGT défiler à côté du Front national”, il jugeait donc acquis, sans autre forme de procès, que les actions du 17 novembre étaient organisées par le FN. Après avoir, à l’origine, critiqué le mouvement des “gilets jaunes” pour d’autres raisons – écologiques en l’occurrence – que la CGT, Laurent Berger avait ensuite emboîté le pas de Philippe Martinez, décrivant les “blocages” comme “récupérés politiquement par l’extrême droite, et peut-être un peu plus”.
La CGT pour la hausse du SMIC
Prenant connaissance des premières informations relatives à l’ampleur et à la nature de la mobilisation, Philippe Martinez a rapidement revu son analyse. Interrogé dès samedi matin sur Europe 1, il s’est montré beaucoup plus compréhensif à l’égard des manifestants qu’il ne l’avait été jusqu’à présent. Qualifiant de “légitime” la “colère des Français”, il tentait de reprendre la main en revendiquant une hausse du SMIC. “Pourquoi on ne parlerait pas augmentation des salaires ? En cette fin d’année, le gouvernement va revoir la question du smic. Pourquoi en termes de mesures pour aider le pouvoir d’achat on n’annoncerait pas une augmentation de ce salaire minimum ?” demandait-il en effet. Tout aussi soudainement disparue qu’elle était inexplicablement apparue, la crainte du raz-de-marée fasciste laissait la place à une grossière tentative de récupération du mouvement.
La CFDT pour un nouveau “pacte social”
S’exprimant à l’issue de la journée de samedi, Laurent Berger a lui aussi changé de ton vis-à-vis des “gilets jaunes”. La critique de leur soi-disant récupération par l’extrême-droite n’était plus de mise. Sur Twitter, le patron de la CFDT a adopté une attitude proche de celle de M. Martinez, tentant de se remettre en selle : “J’appelle Emmanuel Macron et Edouard Philippe à réunir très rapidement les syndicats, les organisations patronales, les associations pour construire un pacte social de la conversion écologique”. Dimanche soir, lors de son interview sur France 2, Edouard Philippe n’a pas jugé utile de saisir cette main tendue : si M. Berger s’en plaint ce matin dans le Monde, encore faut-il lui rappeler que son appel avait d’autant moins de chances d’être entendu qu’en dénigrant les “gilets jaunes”, il s’est, de sa propre iniative, privé de toute légitimité à parler en leur nom.