Alors que les “gilets jaunes” se mobilisent un peu partout en France depuis maintenant plus de trois semaines, le Président de la République doit parler ce soir aux Français afin de leur annoncer des mesures susceptibles de calmer leur colère.
La faiblesse des marges de manoeuvre dont il dispose pose inévitablement la question de la manière dont les évènements vont bien pouvoir se dérouler dans les prochains jours et les prochaines semaines.
Des “gilets jaunes” toujours mobilisés
Malgré tous les efforts déployés par le gouvernement – et en particulier par le ministère de l’Intérieur – pour laisser penser à un essoufflement du mouvement des “gilets jaunes”, rien n’y fait : les manifestations de samedi dernier ont rassemblé autant de monde que celles de la semaine précédente. D’après la place Beauvau, environ 140 000 personnes ont en effet défilé en France samedi 8 décembre, dont 10 000 à Paris. Si l’on se fie au nombre de policiers, gendarmes et pompiers mobilisés pour cette journée : environ 120 000, on peut, certes, considérer que le chiffre de 140 000 manifestations est clairement en-deçà de la réalité. Surtout, les derniers sondages d’opinion, ainsi que la présence, qui se maintient à un fort niveau, de gilets jaunes déposés sur les tableaux de bord des automobilistes, indiquent que les Français continuent de soutenir massivement le mouvement de protestation actuel.
Volontarisme gouvernemental…
Bien conscients de cette situation – autrement dit : ne se laissant pas prendre à son propre jeu des évaluations fantaisistes du niveau de la mobilisation populaire – l’exécutif veut faire en sorte de reprendre la main sur le cours de choses. Toute la journée, le Président de la République doit d’une part recevoir de nombreux représentants des “corps intermédiaires”, dont les partenaires sociaux, afin de recueillir leur avis sur la crise sociale et politique que traverse le pays et sur la manière d’en sortir. Le changement radical d’attitude de M. Macron vis-à-vis des fameux “corps intermédiaires” laisse entendre qu’il y a décidément le feu au lac sur Jupiter. A la fin de sa journée de consultations, le Président de la République s’adressera à la nation afin de lui faire part du résultat de ses réflexions sur l’état du pays et sur ses solutions pour un retour au calme durant les mois qui viennent.
… de façade
Hélas pour Emmanuel Macron, en ce lundi matin, on perçoit mal les contours d’un véritable virage de la politique gouvernementale. Ainsi, Muriel Pénicaud a affirmé hier qu’aucun “coup de pouce” en faveur du SMIC n’aurait lieu au 1er janvier prochain. Ceci n’augure rien de bon pour les salariés en général, dont on se demande bien ce qu’ils peuvent espérer des annonces du chef de l’Etat. Par ailleurs, la semaine dernière, du côté de l’exécutif, l’état d’esprit ne semblait pas vraiment être au rétablissement de l’ISF : d’une importance, il est vrai, relative du point des vues des finances publiques, la mesure pourrait pourtant avoir une portée symbolique forte. Au total, les marges de manoeuvre du Président étant très faibles, à la fois parce qu’il n’entend pas se dédire lui-même et parce qu’il entend respecter les règles budgétaires européennes, les annonces de ce soir ont peu de chances de s’avérer capitales.
Un avenir compliqué
De ce fait, il est tout à fait envisageable qu’elles ne suffiront pas à apaiser les esprits. La mobilisation sociale pourrait alors se poursuivre avec, nouveauté par rapport à la situation actuelle, l’entrée dans la partie de la CGT, qui a appelé à la grève et à la mobilisation pour vendredi prochain. Bien évidemment, le gouvernement ne mise pas sur cette issue et espère que tout va rentrer dans l’ordre cette semaine. Après tout, la lassitude des “gilets jaunes”, la baisse des températures et la perspective des fêtes de fin d’année pourraient l’aider à se tirer d’affaire. Cette évolution n’est pas la plus probable mais elle pourrait toutefois avoir lieu. Hélas pour l’exécutif, même dans ce cas, la suite du quinquennant promettrait d’être très compliquée. Les conditions de vie et l’état d’esprit du peuple français n’ayant aucune raison de changer à moyen terme, l’exécutif aura bien du mal à poursuivre la feuille de route qu’il s’était fixé.