Comme il l’avait promis la semaine dernière, le Président de la République s’est adressé aux Français hier soir afin de leur annoncer des mesures sociales susceptibles, selon lui, de satisfaire aux revendications principales des “gilets jaunes” et de mettre fin à leur mobilisation.
Ce matin, ces annonces soulèvent plusieurs questions, notamment celle de leur coût et de leur capacité ou non à venir à bout de la crise sociale et politique traversée par le pays.
Les mesures annoncées
Hier soir, devant plus de 21 millions de Français, Emmanuel Macron a détaillé les mesures qu’il entend mettre en oeuvre dès le début de l’année prochaine afin de calmer la “colère légitime” suscitée dans le pays par la politique qu’il mène depuis dix-huit mois.
On retiendra notamment que la hausse de la CSG sur les pensions de retraite qui doit intervenir au 1er janvier prochain – de 6,6 % à 8,3 % – est annulée pour les pensions inférieures à 2000 euros nets. Les smicards, pour leur part, bénéficieront d’un revenu mensuel augmenté de 100 euros. En outre, les heures supplémentaires ne seront plus seulement exonérées de cotisations sociales mais également défiscalisées. Le chef de l’Etat a également prié les entreprises “qui le peuvent” à verser à leurs salariés une prime de fin d’année elle aussi socialement et fiscalement exonérée.
Au chapitre des recettes fiscales devant compenser quelque peu ces dépenses, M. Macron a exclu un rétablissement de l’ISF, même s’il a évoqué la possibilité d’une contribution demandée prochainement aux citoyens fortunés et aux grandes entreprises. Ceci pourrait inclure une taxation, au titre de leurs activités françaises, des géants étrangers de l’économie numérique.
Quelques questions de coût
Aussitôt après l’intervention du chef de l’Etat, la question s’est posée du coût des mesures qu’il venait d’annoncer. Interrogé sur BFM TV, Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Comptes et de l’Action Publics, a estimé leur coût total entre 8 et 10 milliards d’euros. Si l’on en croit ce qu’a pu laisser entendre Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, au micro de France Inter ce matin, ce montant serait notamment financé par le recours au déficit public, qui filerait de la sorte à 3,5 % du PIB pour 2019. Gageons que Matteo Salvini suivra attentivement la manière dont la France négociera avec Bruxelles sa nouvelle trajectoire budgétaire…
Outre ce problème financier d’ordre général, un autre, d’ordre bien plus concret, n’a pas dû manquer de se poser aux yeux de bien des chefs d’entreprise. Les annonces d’Emmanuel Macron mettent en effet les patrons de TPE-PME dans une situation délicate. En les priant de verser une prime aux salariés, il a fait le choix de se dégarer quelque peu de ses propres responsabilités, en les rejetant, en partie, sur les chefs d’entreprise. En outre, s’il a promis aux employeurs que la hausse de 100 euros du revenu des salariés rémunérés au Smic ne leur coûterait rien – elle sera réalisée, en l’occurrence, par le moyen d’une combine budgétaire – la question n’en demeure pas moins posée du sort des salariés gagnant un peu plus que le Smic. Des hausses de salaires généralisées vont nécessairement être revendiquées dans les entreprises et dans les branches dans les mois qui viennent.
Des “gilets jaunes” démobilisés ?
Plus ambitieuses, reconnaissons-le, qu’elles ne semblaient devoir l’être encore hier matin, les annonces présidentielles ont probablement été positivement accueillies par un certain nombre de “gilets jaunes” et, plus généralement, de Français. En soi, ceci pourrait s’avérer de nature à calmer une partie des esprits et à favoriser un reflux de la mobilisation dans les prochains jours.
Ceci étant dit, les “gilets jaunes” n’ont pas fini de faire parler d’eux dans les prochaines semaines et les prochains mois. D’abord parce qu’ils ne portent pas seulement des revendications matérielles, loin s’en faut. Beaucoup demandent notamment une profonde refonte des institutions politiques nationales, voire une réorganisation des traités européens. Or, dans ces domaines, le Président est resté tout à fait muet. Ensuite parce que les mesures sociales et économiques qu’il a annoncées pour 2019 semblent être considérées comme un point de départ par bien des “gilets jaunes”, qui attendent une réorientation structurelle de la politique gouvernementale dans les prochains mois.
Enfin, et bien plus généralement, parce que le gouvernement ne saurait sous-estimer les effets propres de la dynamique de la mobilisation qui a eu lieu ces dernières semaines. Ayant réalisé qu’il n’était finalement pas si difficile que cela de bloquer largement des régions entières ou encore qu’il était facile de brûler des radars, enhardis par les reculs notables de M. Macron et désormais insérés dans des réseaux solidaires de mobilisation, il ne faudra pas grand chose aux “gilets jaunes” pour regagner leurs barrages.