C’est le 15 octobre 2014 que la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, a présenté le projet de loi n°2302 relatif à la santé en Conseil des ministres.
Jusqu’à aujourd’hui, la mesure qui a retenu l’attention des médias est la généralisation du tiers-payant. Ce mécanisme permet à l’assuré d’éviter à avoir à avancer les frais médicaux dont il est redevable. Les médecins se sont massivement mobilisés contre cette disposition du projet de loi qui sera appliquable, en cas d’adoption de la loi, à tous les assurés à compter du 1er janvier 2017. Quel est son contenu pour susciter une telle réaction ?
Une mesure de “justice sociale”
D’après l’exposé des motifs du projet de loi, l’article 18 qui organise la généralisation du tiers-payant pour les consultations de ville est une mesure qui vise à faire progresser la “justice sociale”. Le texte rappelle que l’avance des frais de santé dans un cabinet de médecin peut constituer un frein pour certains assurés : une proportion non négligeable d’assurés (environ 1/3) renoncerait alors à des soins pour raisons financières. La généralisation du tiers payant devrait permettre d’inscrire dans le droit commun français un gain d’équité substantiel pour chacun : c’est-à-dire que tout le monde aurait le même accès aux soins de ville.
Des enjeux techniques “majeurs”
Le texte affirme que ce sera aux “partenaires conventionnels” de déterminer les modalités de mise en oeuvre du tiers-payant : “chaque convention devra donc déterminer notamment les modalités techniques retenues afin que chaque profession puisse fixer les conditions de réussite de la mesure”.
Cette disposition était censée rassurer les professions médicales sur les conditions d’application de la réforme avec une clarification des moyens techniques à mettre en oeuvre : l’objectif est visiblement raté.
L’opposition massive des médecins
Un sondage Opinionway pour Le Figaro réalisé en Août 2014 révèle que 95% des médecins libéraux sont défavorables à la généralisation du tiers payant. Les médecins avancent plusieurs arguments dont chacun pourra apprécier la recevabilité.
– Le patient sera déresponsabilisé : l’idée de déresponsabilisation des français face au coût de la médecine est difficilement recevable. Il existera toujours des cas d’individus pensant que l’acte médical est un droit accordé par la loi sans penser au fait de savoir si cet acte est réellement nécessaire. Mais qui se rend chez le médecin par pure envie si ce n’est le malade qui en éprouve le besoin ? Il sera intéressant de voir l’évolution du comportement des patients pour qui la médecine deviendra “gratuite” grâce au tiers-payant.
– L’indépendance du médecin menacée : cet argument est intéressant du point de vue du code déontologie médicale. En effet l’article R. 4127-5 du Code de la santé publique dispose que le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. Or, avec le mécanisme du tiers-payant, ils seront en quelque sorte rémunérés par l’Assurance maladie et par les organismes assureurs complémentaires, et non plus par le patient lui-même !
– Une procédure lourde : les médecins libéraux mettent en avant la charge de travail supplémentaire qui leur sera demandée. Chaque jour le médecin devra bel et bien passer du temps à faire de la comptabilité pour chacune des consultations effectuées. Les procédures de réclamations en cas d’erreur seront aussi chronophages.
– Des encaissements décalés : le point important relève aussi du délai de paiement des consultations au médecin. Le praticien devra attendre un certain temps avant d’être payé, sa trésorerie s’en trouvera forcément affectée. De plus, il ne sera pas à l’abris des patients fraudeurs qui présentent par exemple une carte de mutuelle non mise à jour : dans ce cas, le médecin ne sera pas remboursé par la mutuelle de la somme due.
Les revendications des médecins sont parfois légitimes, surtout s’agissant des modalités d’application de la réforme qui sont floues.
Toujours est-il que leur résistance peut paraître inconvenue lorsque l’on sait que les pharmaciens, la plupart des infirmières, des kinésithérapeutes et des radiologues proposent déjà le tiers-payant.