La DARES a publié, le 17 février 2017, une étude sur le Universal Credit, un dispositif créé au Royaume-Uni en 2012 et qui fusionne six minimas sociaux.
Ce dispositif fait écho en France, des préoccupations relatives à la complexité de l’architecture des minimas sociaux français.
Le document de la DARES présente l’ampleur et la radicalité de la réforme britannique. En étudiant les conditions de mise en œuvre de le Universal Credit, la DARES met en lumière les principaux défis que présente une réforme radicale des prestations sociales notamment en France.
Fusion des minimas sociaux : qu’est-ce que le Universal Credit ?
Instauré en 2012, le Universal Credit fusionne six dispositifs existants à savoir l’allocation chômage, le crédit d’impôt pour retour à l’emploi, le crédit d’impôt pour charge de famille, l’aide au logement, l’allocation invalidité et la prestation de soutien au revenu pour les personnes dispensées de recherche d’emploi.
Ce dispositif vise à lutter contre le non-recours aux prestations sociales par la dématérialisation et l’unification des démarches.
La DARES s’est intéressé à ce dispositif britannique car en France, le sujet de la simplification de l’architecture des minimas sociaux se pose notamment dans le rapport Sirugue qui en dénonce la complexité.
La DARES souligne toutefois que les systèmes de protection sociale et des institutions du marché du travail en France et au Royaume-Uni sont très différents. Par conséquent, la DARES invite à une grande vigilance lorsqu’il s’agit d’éclairer les débats français relatifs à la réforme des minima sociaux à partir du cas britannique.
Universal Credit : une allocation unique incitant à la reprise d’activité
Selon la DARES, le Universal Credit rassemble les principales prestations sociales non contributives du système britannique, y compris les aides au logement et se substitue à deux crédits d‘impôts. Cette fusion correspond à près de 60% de l’enveloppe des principales prestations sociales britanniques, hors retraite et politique familiale.
La DARES souligne que le Universal Credit ne concerne pas seulement les minimas sociaux qui étaient au cœur de la mission Sirugue de réforme des minimas sociaux à savoir le RSA, l’allocation de solidarité spécifique (ASS et l’allocation adulte handicapé (AAH). En effet, il inclut d’autres domaines de la protection sociale notamment le logement.
Le barème du Universal Credit est conçu de manière à ce que les revenus progressent toujours à mesure qu’augmente l’activité.
Selon la DARES, afin d’inciter à la reprise d’une activité, les revenus tirés d’une activité salariée ou indépendante sont partiellement cumulables avec le Universal Credit.
Ils ne sont pas déduits intégralement du montant de Universal Credit mais sont implicitement taxés à 65 % : 1 euro issu d’une activité salariée entraîne une réduction de 65 centimes du montant de Universal Credit, c’est-à-dire une augmentation de 35 centimes du revenu total17.
Universal Credit : une prestation familialisée d’un montant inférieur au RSA français
Selon l’étude de la DARES, le Universal Credit est une allocation familialisée, c’est-à-dire que son montant dépend des caractéristiques du ménage (âge des membres, nombre d’adultes et d’enfants, situation d’emploi des personnes du ménage, présence de personnes en incapacité de travailler).
Selon la DARES, le montant socle mensule de universal Credit en 2016 était de :• 318 £ par mois (390 €) pour un célibataire de plus de 25 ans sans enfants ; • 595 £ par mois (730 €) pour un parent isolé avec un enfant.
Le montant du RSA socle en France est de 462 € par mois pour un célibataire de 25 ans et plus sans enfants (après déduction du forfait logement) et de 772 € par mois pour un parent isolé avec un enfant.
Universal Credit : une réforme aux coûts de mise en œuvre sous-estimés
La DARES révèle que d’après l’étude d’impact réalisée par l’administration britannique en décembre 2012, la réforme devait avoir un coût négligeable pour les finances publiques.
Le Universal Credit devait entraîner 3 Md€ de dépenses supplémentaires par an à terme, en raison des modifications des règles d’éligibilité et des barèmes ainsi que d’un accroissement du taux de recours. Cette dépense supplémentaire devait être compensée par une diminution des fraudes et des erreurs de versement, pour un montant équivalent (2,9 Md€ d’économies annuelles à terme).
Il s’agissait donc a priori d’une réallocation des aides actuelles, à coût constant.
Les coûts de mise en œuvre de la réforme ont cependant été sous-estimés selon la DARES. L’administration britannique rencontre en effet de nombreuses difficultés pour mettre en place le nouveau système d’information nécessaire à la gestion du Universal Credit30. Les coûts d’investissement et de gestion, régulièrement revus à la hausse, étaient estimés à 1,7 Md£ dans le rapport du NAO de novembre 2014 (soit environ 2,2 Md€ au taux de change de novembre 2014).
Universal Credit : un impact modéré sur le retour à l’emploi
Selon la DARES, une étude d’impact réalisé avant la réforme par l’administration britannique estimait que 300 000 personnes pourraient reprendre une activité en conséquence de l’introduction du Universal Credit.
Les études réalisées après l’introduction de la réforme ont conclu à un impact légèrement positif sur le retour à l’emploi temporaire. Cela serait liée principalement au renforcement du contrôle des démarches d’emploi.
Une étude a conclu notamment que les bénéficiaires du Universal Credit ont 8 % de chances supplémentaires d’avoir été en emploi au cours des 270 jours suivant leur demande par rapport aux demandeurs d’emploi percevant l’allocation chômage « classique » (JSA) . Cette amélioration du retour à l’emploi pour les allocataires du Universal Credit concerne essentiellement des contrats temporaires.
La DARES souligne toutefois que Si les résultats de cette étude semblent robustes, ils ne concernent qu’une petite partie des allocataires potentiels du Universal Credit et ne peuvent être aisément généralisé
La nécessité de réformer l’architecture des minima sociaux en France sur le modèle britannique ?
Selon la DARES, la nécessité de réformer l’architecture des minima sociaux en France pour en réduire la complexité, favoriser l’accès aux droits sociaux et en renforcer l’efficacité fait l’objet d’un assez large consensus.
C’est dans cette perspective que s’inscrivait la mission confiée au député Christophe Sirugue en octobre 2015, dont les conclusions ont été remises au Gouvernement en avril 2016.
Ce rapport envisage trois scénarios de réforme, dont la caractéristique commune est de réduire le nombre de minima sociaux, à des degrés divers.
Si les britanniques ont mené une réforme d’envergure en fusionnant plusieurs minimas sociaux, la DARES semble mitigé quant à la mise en œuvre d’une telle réforme en France.
En effet, la DARES considère que les systèmes britanniques et français de protection sociale demeurent fortement différents, et la réforme britannique commence tout juste à être mise en œuvre.
La réforme du Universal Credit au Royaume-Uni illustre néanmoins les enjeux, notamment distributifs et de gestion, qu’emporte toute réforme de la protection sociale, même lorsqu’elle vise à plus de simplicité.