Contre toute attente, la forte hausse de la CSG adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale la semaine dernière n’a pas donné lieu à un concert de critiques syndicales. Divisés sur la question, les dirigeants des principales confédérations françaises peinent en outre à dénoncer une réforme qui, à court terme, pourrait bénéficier à de nombreux actifs.
Des approches divergentes
La CGT et FO n’ont pas attendu le vote des députés afin de redire le mal qu’elles pensent de la CSG. Pour les deux centrales, la protection sociale est un élément du salaire socialisé, dont le financement doit reposer sur des cotisations sociales et non pas sur de l’impôt. Dès la fin de l’été dernier, la CGT a ainsi estimé que la réforme du financement de la protection sociale implique une “diminution du salaire socialisé (salaire net + cotisations sociales) et des droits collectifs (retraite, remboursements maladie, allocation chômage etc…)”. Lors du dernier conseil d’administration de la CNAV, FO a défendu une position proche, affirmant que le “PLFSS [2018, ndlr] tend à supprimer la notion même de cotisation des salariés, principe fondamental d’ouverture des droits aux assurances sociales”.
Les organisations syndicales traditionnellement plus modérées que sont la CFDT, la CFTC, voire la CFE-CGC ont, sur la question de la CSG, une approche moins critique que celle de la CGT et de FO. Elles considèrent légitime que certaines dépenses de protection sociale, notamment celles liées à la santé et la famille, soient financées non pas uniquement par le travail mais par l’ensemble de la communauté nationale. Jusqu’à présent, du point de vue des dirigeants de ces trois centrales, les dépenses liées au chômage n’entraient, certes, pas dans le cadre de celles dont le financement pouvait reposer au moins en partie sur de l’impôt. Malgré ceci, ils semblent avoir accepté sans broncher le projet gouvernemental de fiscaliser partiellement le financement de l’assurance chômage.
Une introuvable stratégie d’opposition
Ces divergences de fond empêchent l’organisation d’une riposte syndicale unitaire à la refonte du financement de la protection sociale. Ceci étant dit, le gouvernement s’attendait sans doute à des réactions de protestation plus vigoureuses de la part de la CGT et de FO. Si elles n’ont pas eu lieu, c’est peut-être parce qu’il est difficile, pour les hiérarques de ces deux centrales, de concevoir et de porter un discours critique à l’encontre d’une réforme qui, pour les salariés du secteur privé, devrait se traduire par une hausse du salaire net. Alors que, pour les salariés du privé, les attaques portées par l’exécutif à l’encontre du salaire socialisé demeurent relativement abstraites, l’augmentation du salaire qui leur est versé en fin de mois est, elle, très concrète – et peut-on l’imaginer : appréciable.
Partant de la grande difficulté à mobiliser les troupes sur un mot d’ordre revenant à se priver d’une hausse des salaires nets, les dirigeants de la CGT et de FO sont tentés d’axer leurs revendications sur les deux catégories de Français qui devraient subir de plein fouet la réforme gouvernemental : les retraités et les fonctionnaires. Une relative unité syndicale se fait alors jour afin de dénoncer, dans ces deux cas précis, les conséquences de la hausse de la CSG. Les récentes manifestations des fonctionnaires et des retraités ont donné à voir ce front syndical du refus de la hausse de la CSG. L’opposition syndicale se présente alors comme étant essentiellement une demande de mesures uniquement destinées à compenser la hausse de la CSG pour les fonctionnaires et les retraités.
Ce faisant, les dirigeants des centrales syndicales, y compris contestataires, en viennent, de fait, à acter l’essentiel de la réforme : la progression spectaculaire de la fiscalisation du financement de la protection sociale.