L’affaire des propos libres tenus par Laurent Wauquiez, président des “Républicains”, devant des étudiants de l’école de commerce EM Lyon, fait grand bruit. Entre autres tirs sur tout ce qui bougeait, M. Wauquiez s’en est pris aux organisations syndicales patronales et salariales, au financement trop public selon lui. Dénoncés par les intéressés, ces propos soulèvent pourtant certaines questions.
Feu à volonté
Entre quelques amabilités formulées à l’égard des députés de la majorité, de Valérie Pécresse, d’Alain Juppé et de Justin Trudeau, Laurent Wauquiez a tapé fort contre les organisations syndicales, qu’elles soient patronales ou salariales. Il a notamment jugé qu’elles cherchaient bien moins à défendre les intérêts de leurs adhérents qu’à vivre des largesses de l’Etat.
En particulier, le président des Républicains a estimé que la CGT n’était plus indépendante des pouvoirs publics justement parce qu’ils la finançaient : “Par exemple, les associations syndicales recevaient à peu près 5 millions d’euros de la région. La CGT se faisait un joli chèque de 3 millions d’euros sur le budget de la région, chaque année. Je les ai reçus et je leur ai dit : “Moi je suis extrêmement attaché à l’indépendance des syndicats et comme je veux surtout pas que vous dépendiez de moi, hé ben c’est zero.” Laurent Wauquiez défenseur d’une CGT de combat, qui l’eût dit ?
Bien lancé, le conférencier d’un jour a cogné plus fort encore sur le Medef et la CPME, les accusant ni plus ni moins que de trahir les patrons français : “Et le pire, si on est très honnête entre nous c’est que les pires, c’est le Medef et la CGPME. Eux c’est pire que tout. Eux, ils n’en ont rien à foutre [sic] de savoir si on augmente les cotisations sur les entreprises, si on augmente le truc… La seule chose qu’ils veulent, c’est encaisser l’argent.” La messe était dite !
Réactions indignées
Pris à partie par le président de la droite parlementaire, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, n’a pas tardé à répondre. Sur Europe 1, il déploré le ton “plus populiste que populaire” de M. Wauquiez, estimant en outre que “ce genre de déclaration ne grandit pas ceux qui les prononcent”. Sur le fond de l’affaire, le patron de la CGT a rappelé que les sommes évoquées par Laurent Wauquiez étaient utilisées à bon escient et qu’il était donc de mauvais goût de se féliciter de leur disparition. “Après, se pose la question de la place des syndicats dans ce pays. Monsieur Wauquiez se vante de donner moins de moyens aux organisations syndicales pour entretenir les bourses du travail, là où on accueil des salariés, des privés d’emploi, des jeunes qui sont menacés de licenciement. C’est une conception de la place des syndicats dans ce pays” a-t-il en effet affirmé.
Du côté du Medef, si les responsables nationaux n’ont officiellement pas donné leur avis sur les propos, Patrick Martin, le président du Medef Auvergne Rhône-Alpes – candidat à la succession de Pierre Gattaz – interrogé par le JDD, s’est pour sa part dit “surpris et désolé par ces propos, car c’est un amalgame entre deux situations que Laurent Wauquiez a confondues”. D’après lui, le Medef ne touche aucune subvention pour son fonctionnement mais uniquement, sur tel ou tel sujet, “dans le cadre de partenariats [avec la région, ndlr] dans le but se soutenir les entreprises”.
Moins diplomate, François Asselin, le président de la CPME, n’a pas mâché ses mots à l’encontre de Laurent Wauquiez. Dans une lettre à l’AFP, il a d’abord exprimé sa “déception” : “Je tiens au nom des 150.000 entreprises françaises employant plus de 3 millions de salariés, qui ont choisi librement d’adhérer à la CPME, à vous faire part de ma déception”. Puis, il s’est lâché, parlant de “mépris” pour les militants patronaux : “De telles assertions traduisent un véritable mépris pour les représentants de TPE/PME qui font pourtant vivre les territoires que vous mettez si souvent en avant.” M. Wauquiez a donc réussi à se mettre à dos à la fois la CGT, le Medef et la CPME, réalisant ainsi une belle performance.
Une impossible autonomie
Si les explications fournies par Philippe Martinez, Patrick Martin et François Asselin permettent au grand public d’y voir un peu plus clair sur l’usage qui peut être fait d’un certain nombre de subventions aux organisations patronales et salariales, il n’en demeure pas moins qu’avec ses propos à l’emporte-pièce, Laurent Wauquiez a fait mouche.
Recevant de l’argent public afin de mener des actions aux côtés des pouvoirs publics voire à leur place, les syndicats de salariés et d’employeurs se trouvent, de fait, dans une position de partenaires des pouvoirs publics, dépendant vis-à-vis de leurs financements. Cette position n’est pas celle d’organisations pouvant arrêter leur stratégie et leurs positionnements en toute autonomie.