Federal Reserve-BCE : le divorce

Les bourses sont fébriles, se repaissant des décisions de la Fed*. La Réserve Fédérale, anticipant une hausse du PIB américain de 2,4% en 2016, a décidé à l’unanimité une hausse de 25 points de base de ses taux, avant une hausse « graduelle » (4 réunions en 2016) jusqu’à une moyenne de taux anticipée à 1,4% pour fin 2016. 

 

La Federal Reserve à l’offensive

Le marché est nerveux car, lors de la précédente remontée des taux il y a 10 ans**, les USA avaient connu une tension sur les liquidités, et les investisseurs risquent de se délester de leur high yield***. 

La Federal Reserve est-elle à contre temps ? Après une période de croissance (Les USA créent autant d’emplois tous les mois, qu’il y a de chômeurs supplémentaires en France tous les ans), apparaissent des signes avant-coureurs de ralentissement. C’est le moment choisi par la Fed pour enclencher une hausse de ses taux. Les taux américains à 10 ans ont déjà remonté au-delà des 2% cette année. 

Cela va jouer bien sûr sur la parité euro/dollar. L’euro a beaucoup baissé, ce qui a favorisé le redressement de la balance commerciale, même si la France reste en mauvaise posture (déficit commercial de 9,7Md€ au 3ème trimestre). Cela va jouer sur les investissements, puisqu’en plaçant en dollar, celui-ci s’apprécie et fournit un rendement supérieur. A terme cela compromet le financement privé de la zone euro. 

 

Une BCE à contre-courant

Janet Yellen et Mario Draghi divorcent par consentement mutuel. La première normalise la Fed en montant les taux quand le 2ème les baisse à la BCE en accentuant une situation « non conventionnelle ». Les gestionnaires d’actifs pourront jouer de ce gap**** croissant. 

La Banque Centrale Européenne a assoupli son quantitative easing en le portant à 1500 Md€ jusqu’à mars 2017. La politique de la BCE produit des impacts (taux obligataires très bas) mais pas de véritable relance (inflation à 1% au lieu de 2% visés). Nous sommes dans un scénario à la japonaise où les assouplissements quantitatifs et les taux directeurs bas n’ont pas relancé l’économie vieillissante. Il faudrait, pour redémarrer l’économie, un environnement favorable et de la confiance pour consommer et investir. Cela supposerait de desserrer en France le cadre actuel de contraintes juridiques, bureaucratiques et de prélèvements obligatoires qui s’avèrent hors marché. La BCE l’a elle-même reconnu, elle ne peut pas tout. Il faut que les Etats fassent une partie du travail, à savoir se réformer et diminuer drastiquement leurs dépenses. 

Les liquidités injectées par la BCE ne se retrouvent pas dans l’économie réelle. C’est la trappe à liquidité, signe de la « mort du monétarisme », comme le pense James Galbraith. La BCE accentue pourtant cette politique car elle reste favorable aux banques : 1/elle permet de satisfaire aux contraintes de liquidités à 1 mois et 1 an de Bâle 3 et 2/ cela génère des plus-values sur les actifs (revalorisés par une courbe de taux d’actualisation proche de zéro). 

Père Noël en zone euro, mère fouettard en zone dollar ? 

 

*L’abréviation de Federal Reserve en « Fed », jeu de mot en américain, signifie « nourri ». 

**Les taux directeur était passé de 1% en 2004 à 5,25% en 2007 avant de s’aplatir à 0,25%. Ben Bernanke avait livré la Fed à 3 « quantitative easing » (2008, 2010, 2012) pour près de 3800Md$ de liquidités injectées, avant de modérer cette création monétaire par du « tapering ». 

*** investissements notés BB+ (comme désormais le Brésil) ou pire. Les sociétés de gestion Third Avenue et Lucidus Capital viennent de suspendre certains remboursements. 

**** L’acronyme GAP est un autre jeu de mot franglais signifiant Gestion Actif Passif mais aussi «écart» dans gap de taux ou gap de trésorerie. 

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