Cet article provient du site du syndicat de salariés FO.
Une salariée travaillant dans le secteur des assurances et de la banque, profite de liens amicaux tissés avec une cliente, veuve depuis peu, pour obtenir un certain nombre d’avantages personnels (désignation des fils de la salariée en qualité de bénéficiaire de l’assurance-vie de la cliente, acquisition en viager de l’appartement, virement de 58K€ du compte de la cliente vers le compte commun de la salariée et de son conjoint…) contrevenant ainsi aux règles déontologiques de sa profession.
À cette époque, l’employeur n’a pas connaissance de ces faits. C’est en 2014, lorsque l’information lui parvient qu’il engage une procédure de licenciement pour faute grave à l’encontre de la salariée. Or, celle-ci, depuis 2013, est placée en arrêt maladie, son contrat s’en trouvant suspendu. Quatre semaines après avoir eu connaissance des faits, il la convoque à un entretien préalable. Le licenciement pour faute grave est prononcé en décembre 2014.
La salariée saisit le conseil des prud’hommes en contestation du bien-fondé de son licenciement. Après avoir été déboutée en appel, elle se pourvoit en cassation.
La question posée à la Cour de cassation (Cass. soc., 9-3-22, n°20-20872) était la suivante : un employeur peut-il licencier pour faute grave un salarié absent, dont le contrat a été suspendu, quatre semaines après avoir eu connaissance des faits fautifs ?
La faute grave est la faute qui rend impossible le maintien du contrat de travail dans l’entreprise (Cass. soc., 27-9-07, n°06-436867). Si un employeur tarde à engager une procédure disciplinaire pour faute grave, le salarié a tout intérêt à soulever la lenteur de la réaction de l’employeur, en cas de contestation d’un licenciement.
En effet, comment reprocher à un salarié des faits qui rendent le maintien de son contrat impossible, tout en gardant ce dernier dans l’entreprise ? Si l’employeur tarde à sanctionner des faits dont il a eu connaissance, c’est donc bien que ces faits ne rendaient pas impossible le maintien du salarié.
Sur le délai dans lequel doit réagir l’employeur, la Cour de cassation renvoie à la notion de « délai restreint » pour engager les poursuites disciplinaires (Cass. soc., 14-1-03, n°00-43025 ; Cass., soc., 6-10-10, n°09-41294). L’appréciation se fait au cas par cas, par les juges du fond, en prenant en compte le contexte.
Dans notre affaire, la salariée avançait que l’employeur avait trop tardé à réagir. Mais ici, selon la Cour de cassation, le fait pour l’employeur de laisser s’écouler un délai entre la révélation des faits et l’engagement de la procédure de licenciement ne peut avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité, dès lors que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu, est absent de l’entreprise. Lorsque l’employeur a eu connaissance des faits fautifs le contrat de travail de la salariée était déjà suspendu du fait de son arrêt maladie. L’employeur ne pouvait donc plus se voir opposer le fait d’avoir laissé la salariée à son poste pour disqualifier la faute grave.
Ainsi, elle juge qu’”Ayant estimé que l’employeur avait acquis une connaissance exacte des faits le 17 octobre 2014 et relevé qu’il avait convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement pour faute grave le 14 novembre 2014, la cour d’appel, qui a constaté que la salariée, dont le contrat de travail était suspendu depuis le 31 mai 2013, était absente de l’entreprise, ce dont il résultait que l’écoulement de ce délai ne pouvait avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité
“.