Le député et mathématicien Cédric Villani est chargé, depuis le 8 septembre 2017, de rédiger un rapport relatif à l’intelligence artificielle (IA). Ce rapport, qui devait être rendu en janvier 2018, est toujours attendu et comporte une partie fort intéressante relative à l’IA en santé.
Tripalio a pu se procurer, en exclusivité la partie du rapport, encore en cours de validation, explorant les pistes d’évolution concernant l’IA en santé. Long de huit pages, cet extrait permet déjà d’avoir un aperçu des mesures qui seront proposées dans le rapport final.
Villani veut créer une base de données dédiée à l’IA en santé
L’une des mesures importantes du rapport consiste à remplacer le système national des données de santé (SNDS) qui vient d’être créé par la loi Touraine du 26 janvier 2016, par une nouvelle base de données, mieux adaptée à l’épanouissement de l’IA. Visible à la page 6 de l’extrait, cette proposition évoque un remplacement, à terme du SNDS, par une nouvelle “plateforme de mutualisation des données pertinentes pour la recherche et l’innovation en santé“.
Toutefois, l’organisation de ce système reposerait sur l’Etat qui serait, seul, chargé “d’organiser l’accès au système selon un certain nombre de critères“. Compte tenu du caractère sensible dont sont dotées les données de santé, il semble logique que des règles d’accès, certes plus simples que les règles actuelles, soient définies pour faciliter le recours aux IA en santé. En effet, le rapport évoque la mise en place de “procédures d’accès fluides à cette plateforme pour développer de nouvelles approches s’appuyant sur l’IA“, mais il s’empresse d’ajouter que cela nécessitera de maîtriser “finement l’accès aux informations contenues dans le système à cette fin“.
Nous ne connaissons que trop bien ce type de formules. Elles ont malheureusement tendance à être interprétées par les pouvoirs publics comme la possibilité de cloisonner au maximum leurs bases de données par la création de procédures d’accès labyrinthiques et interminables.
Toutefois, une autre proposition du rapport démontre l’intention de facilitation des accès.
Villani souhaite un accès facile à la base de données pour l’IA en santé
Là où le rapport tranche avec les principes qui régissent actuellement l’accès aux données de santé contenues dans le SNDS, c’est que le rapport prône l’application du principe selon lequel le “silence vaut acceptation“. En d’autres termes, les demandes d’accès aux données de santé à des fins d’expérimentation d’une ou plusieurs IA, devront être examinées dans un délai garanti de trois mois au maximum. Le silence gardé par l’autorité chargé de cet examen vaudrait acceptation du dossier.
Un tel changement de paradigme serait évidemment favorable au développement des IA en santé en France… mais sera probablement de nature à faire monter au créneau les défenseurs de la protection de la vie privée qui ne manqueront pas de dénoncer tous les risques encourus.
Villani veut mettre fin à la compétition en cursus de médecine
Pour favoriser la maîtrise de l’IA en santé par les nouveaux médecins et favoriser la collaboration entre les professionnels, Cédric Villani propose plusieurs pistes.
La première est de créer des passerelles entre, d’une part, des cursus spécialisés en informatique et en IA, et d’autre part, les cursus de médecine “classiques“. Cela pourrait se faire par la mise en place de doubles cursus ou bien par la reconnaissance d’équivalences entre les diplômes.
Etant donné que les études de médecines ressemblent à un parcours du combattant, il n’est pas impossible que des levées de boucliers soient constatées. C’est pour cela que le rapport évoque dans un second temps la fin de “la logique de compétition tout au long du cursus universitaire qui s’avère contre-productive pour développer une coordination transdisciplinaire“.
C’est bien une réforme des études de médecine que souhaite M. Villani afin de favoriser les collaborations entre praticiens de spécialités différentes, ainsi que leur utilisation des IA en santé.
Vers une appropriation des données de santé par les patients
L’autre piste importante du rapport est l’alliance du lancement du dossier médical partagé (DMP, actuellement en test), avec la production d’informations en santé directement utilisables à des fins d’IA. Le rapport imagine un espace sécurisé de données de santé issues du DMP de chaque patient dans lequel tous les individus pourraient stocker leurs données, en ajouter eux-mêmes, et, plus important encore, autoriser leur partage à d’autres acteurs ou les récupérer pour d’autres usages.
Cet espace d’auto-gestion de ses propres données de santé à des fins d’utilisation par des IA devrait alors être précédé d’une phase de sensibilisation de tous les individus à la maîtrise de leurs données. Cette proposition risque bien, là encore, d’agacer les ardents défenseurs de la vie privée : les débats qui suivront la publication du rapport final risquent d’être fort animés !