L’année même où le gouvernement présente une loi sur le dialogue social dans le secteur privé, il s’offre un petit cadeau: celui d’appliquer un accord salarial minoritaire malgré la promesse de ne pas le faire.
Un accord salarial brinquebalant
Le gouvernement a proposé aux organisations syndicales représentatives de la fonction publique une amélioration sur trois ans, à partir de 2017, de la rémunération des six millions de fonctionnaires, de 500 à 1.889 euros bruts par an pour les débutants et de 1.056 à 2.111 euros en fin de carrière. Le projet prévoyait également une négociation salariale annuelle à partir de février 2016, des grades moins nombreux, des cadences d’avancement plus longues et une plus grande mobilité entre les fonctions publiques d’Etat, hospitalière et territoriale.
En revanche, le gouvernement maintenait inchangée la valeur du point de la fonction publique qui sert à l’arithmétique complexes des salaires des fonctionnaires. Après plusieurs années de gel, les trois premiers syndicats de la fonction publique: FO, la CGT et Solidaires, en exigeaient le relèvement. Faute d’un compromis avec le gouvernement sur ce sujet, ces trois syndicats, qui sont majoritaires, ont refusé de signer l’accord.
Un passage en force
Le gouvernement, coincé par des créations d’emplois enocre hausse (un record de 8.000 créations nettes devrait être battu en 2016, dont 1.000 emplois dans les universités), a donc pris la mesure la plus étrange qui paraisse: l’application de l’accord minoritaire. Ce choix tactique coupe l’herbe sous le pied des trois organisations majoritaires qui auront du mal à mettre en danger les quelques avantages obtenus dans la négociation au risque de ne plus rien avoir.
Marylise Lebranchu, ministre de la fonction publique, a d’ailleurs argumenté: “on ne peut pas demander à l’ensemble de la population française de comprendre la nécessité de la baisse des dépenses publiques et lâcher l’équivalent de 12 milliards d’euros pour augmenter les fonctionnaires”.
Fais ce que je dis, ne fais pas ce que je fais
Il n’en reste pas moins que l’effet donné l’année même où une loi est votée sur le dialogue social, et au moment où François Hollande préface un ouvrage sur les vertus de ce dialogue, est désastreux. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, a d’ailleurs ironisé: “Le gouvernement remet en cause la règle des 50% dans la fonction publique et il veut demain l’appliquer dans le privé, ça va être marrant !”
Dans la pratique, et après avoir asséné aux acteurs de l’entreprise de longues leçons sur les vertus du dialogue social, l’exécutif souligne une fois de plus la distance sidérale qui sépare les règles applicables au secteur privé et les pratiques en vigueur dans le service public. Ce “deux poids deux mesures” illustre les déficiences de la culture du dialogue dans les services publics, où la réglementation collective est pourtant plus légère que celle prévue par le Code du Travail.
De façon significative, le fait que les administrations n’aient pas à mener une négociation salariale obligatoire annuelle est déjà un élément d’indication fort sur cette souplesse. Malgré cela, la négociation n’a pas abouti.