En cas de transaction le salarié ne renonce par forcément à son droit à agir en justice

Cette publication est issue du site du syndicat de salariés CFDT.

La renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute action relative à l’exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction. C’est ce qu’a jugé récemment la Cour de cassation. Cass.soc.16.11.19, n°18-18287. 

  • Qu’est qu’une transaction ?

L’article 2044 du Code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ». 

L’objectif principal de cet acte est de régler un différend à l’amiable, et, in fine d’empêcher les parties d’agir en justice sur lui. C’est pourquoi un tel acte a autorité de la chose jugée. 

Or il n’est pas toujours aisé de savoir si un différend est réglé ou non dans la transaction. Cela est particulièrement vrai lorsqu’elle est rédigée en des termes généraux, et encore plus lorsqu’il s’agit d’un droit éventuel. 

Ce que dit le Code civil. L’article 2048 prévoit que « Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. » L’article 2049 précise quant à lui que les transactions ne règlent que les différends qu’elles visent. Cela prend la forme soit d’une manifestation de l’intention des parties de régler le différend par des expressions spéciales ou générales, soit d’une reconnaissance de cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. 

La transaction est souvent conclue à l’occasion de la rupture du contrat de travail. Elle peut également être conclue pendant l’exécution du contrat de travail pour régler un différend et ce, sans qu’aucune rupture du contrat ne soit envisagée. Dans ce dernier cas, la signature d’une transaction rédigée en des termes généraux n’aura pas la même portée. C’est ce que précise la Cour de cassation dans cet arrêt. 

  • Faits, procédure

Une salariée et son employeur décident de conclure une transaction suite à un différend portant sur la classification de la salariée. Cette transaction prévoit alors le versement d’un rappel de salaire et le classement de la salariée à un nouveau coefficient. Pendant plusieurs années, le contrat se poursuit. Puis un jour, la salariée décide de saisir le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la discrimination syndicale qu’elle subit. 

Pour l’employeur comme les juges du fond, la transaction conclue quelques années avant rendait irrecevables les demandes de la salariée. Selon les juges, la transaction avait « un objet plus large que les simples revendications originelles de la salariée ». Celle-ci avait donc « renoncé aux droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail ». 

La salariée décide alors de se pourvoir en cassation. La question posée était la suivante : 

« la transaction, conclue durant l’exécution du contrat et prévoyant la renonciation des droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail, rend-elle irrecevables les demandes portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction ? » 

Non, répond la Cour de cassation. 

  • L’effet limité d’une transaction rédigée en des termes généraux durant l’exécution du contrat

La Cour de cassation ne va pas dans le même sens que les juges du fond. Au visa des anciens articles 2044 et 2052 et des articles 2048 et 2049 du Code civil, la Haute Cour juge « que la renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction ». 

Les transactions conclues en des termes généraux durant l’exécution du contrat de travail ont donc un effet limité. Après la signature de la transaction, une demande en justice portant sur l’exécution du contrat de travail ne sera donc jugée irrecevable que si les faits, objet de la nouvelle demande, ou leur fondement sont survenus avant la signature de la transaction. 

  • Une solution logique et bienvenue

Cette solution est logique, car admettre l’inverse aurait rendu possible la renonciation par un salarié à toute action en justice, alors même que le contrat de travail se poursuit et que de nouveaux litiges peuvent naître postérieurement à la transaction et avoir un fondement également né postérieurement à la transaction. 

Cette solution de la Cour de cassation ne tombe toutefois pas sous le sens. Elle est en effet contraire à la solution dégagée par la Cour de cassation quant aux transactions conclues en des termes généraux, mais cette fois-ci signées postérieurement à la rupture du contrat de travail. Dans ce cas, on admet un effet étendu des clauses de renonciation générale à tout recours lié à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail (1). 

Clairement, le salarié prend moins de risques à signer une transaction rédigée en des termes généraux pendant l’exécution du contrat de travail plutôt qu’à l’occasion de la rupture du contrat. 

Dans la pratique malheureusement, les transactions sont le plus souvent conclues à l’occasion de la rupture du contrat de travail. 

 

(1) Cass.soc.05.11.14, n°13-18.984 ; cass.soc.20.02.19, n°17-19.676. 

 

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