Vendredi dernier, le ministère du Travail a annoncé les résultats officiels des élections professionnelles réalisées entre fin mars et début avril dans les très petites entreprises (TPE), les entreprises de moins de onze salariés.
Au-delà de l’enjeu, qui apparaît presque anecdotique, des scores réalisés par les uns et les autres, cette annonce pose surtout la question de l’opportunité de pérenniser une opération qui s’apparente largement à une farce qui a déjà assez duré.
La CGT toujours en tête dans les TPE
C’est l’un des enseignements du scrutin national et interprofessionnel qui vient d’avoir lieu : la CGT demeure en tête de la représentation des salariés des TPE. Avec 26,3 % des scrutins exprimés, elle réalise un peu plus d’un point de plus que lors de la précédente consultation, organisée en janvier 2017 – elle avait alors réalisé un score de 25,1 %. Relevons en particulier qu’en pourcentage, la CGT creuse légèrement l’écart avec la CFDT, qui obtient 16,5 % – contre 15,5 % en 2017.
Outre ce duel CGT-CFDT, on note, et c’est une surprise, que l’UNSA prend la troisième place dans les TPE. Avec un score de 15,89 % – contre 12 % en 2017, ce qui était déjà un score en nette progression par rapport à 2012 – elle prend la place de Force ouvrière – 13,8 % – sur la dernière marche du podium. De fait, l’UNSA talonne la CFDT. En deuxième partie de tableau, la CFTC n’atteint pas les 6 %, en baisse de 1,5 point par rapport à 2017. Solidaires réalise un score de 4,27 %, suivie de la CFE-CGC, à 3,95 %.
Un taux de participation ridicule
En 2017 déjà, les dirigeants syndicaux et les commentateurs médiatiques de l’actualité sociale avaient relevé le niveau très faible de la participation à l’élection dans les TPE : 7,35 % – contre un peu plus de 10 % lors de la première édition de l’opération, en 2012. Pour ce nouveau scrutin, le taux de participation ne saurait même plus être qualifié de très faible, mais bien plutôt de ridicule. Il dépasse en effet péniblement les 5 %. Sur un total de 4,9 millions de votants, seuls 265 762 salariés ont effectivement voté, pour 257 108 suffrages réellement exprimés.
Un tel niveau de participation signifie que, dans le cadre de la représentation des salariés des TPE, un écart de 10 points entre deux organisations ne renvoie, dans les faits, qu’à un écart de quelque 26 000 voix. Concrètement, seules 7 000 voix font la différence entre FO, l’UNSA et la CFDT. Autrement dit : mise à part l’information de la première place de la CGT, il apparaît bien difficile, sinon impossible, d’analyser de manière pertinente l’évolution du “rapport de force syndical” – si l’on ose dire – dans les TPE.
Une malheureuse farce pour la démocratie sociale
Dans une telle configuration électorale, on ne peine guère à concevoir que le niveau de légitimité des dirigeants syndicaux à parler au nom des salariés des TPE est très limité. Dans le cadre du dialogue social des branches d’activité, on voit dès lors mal comment les représentants patronaux peuvent tenir les représentants salariaux pour des porte-parole crédibles des salariés des TPE. Plus généralement, les pouvoirs publics peuvent continuer à considérer qu’ils ont le monopole de la représentation des intérêts de ces salariés.
En somme, paradoxalement, dans l’état actuel des choses, le scrutin de la mesure de la représentativité syndicale dans les TPE s’avère être – et ce, de manière croissante au fil du temps – une bien malheureuse farce pour la démocratie sociale, dont les salariés en cause sont les dindons. Sauf à imaginer les conditions d’un profond renouveau de ce scrutin, on ne peut que s’interroger sur le bien-fondé même de sa pérennisation.