Les annonces de Manuel Valls sur le dialogue social sont sorties – ironie du sort – le même jour que l’annonce par la Commission Européenne d’un nouveau délai accordé à la France pour remplir ses engagements budgétaires. Cette concomitance n’est pas que le fait du hasard: la France doit donner des gages de réforme pour éviter les sanctions. Mais on peut se demander dans quelle mesure les choix politiques ne sont pas dictés par une simple logique cosmétique à court terme…
La loi concerne surtout les grandes entreprises
Manuel Valls, à l’occasion d’une réunion avec les partenaires sociaux sur la modernisation du dialogue social, a égrené des mesures sans surprise, qui bénéficieront essentiellement aux grandes entreprises. Celles-ci devraient faire l’objet d’une loi fin mars ou début avril.
Ces mesures sont conformes aux grands points du texte qui n’a pas été signé en janvier. Le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) seront fusionnés, avec maintien intégral des prérogatives, semble-t-il. Les obligations de consultation et d’information du personnel seront regroupées autour de trois grands chapitres: situation économique et financière de l’entreprise, sa situation sociale et orientations stratégiques.
Pour les petites entreprises, Manuel Valls reprend l’idée de commissions régionales interprofessionnelles composées de 10 salariés et 10 employeurs dans chacune des 13 futures grandes régions. Le Premier Ministre a ajouté: « Ces commissions n’auront évidemment aucun droit d’ingérence dans la marche de ces entreprises ».
Pour l’essentiel, les annonces de Manuel Valls reprennent donc le plus petit commun dénominateur des discussions clôturées en janvier sur un constat d’échec. Elles ne sont évidemment pas sans effet, mais on se demande quand même quel peut être leur impact sur la croissance de l’économie française et sur l’inversion de la courbe du chômage.
Les esprits taquins iront même jusqu’à soutenir qu’au fond le Premier Ministre, pour complaire à l’Allemagne et à la Commission Européenne, occupe le terrain de la réforme sans véritablement y entrer.
Valls n’a pas abordé les sujets qui fâchent et qui structurent
A ce stade, Manuel Valls ne s’est donc pas emparé de la question bien plus stratégique des accords d’entreprise et de leur faculté de déroger négativement à la loi sur les clauses substantielles du contrat de travail. C’est pourtant le seul sujet véritablement structurel qui permette de modifier en douceur la donne macro-économique.
Concrètement, si la France veut discrètement sortir des 35 heures et moduler la rémunération des salariés avec plus de facilité qu’aujourd’hui, elle a besoin de permettre aux accords d’entreprise de le faire au cas par cas. Cette méthode est moins spectaculaire mais beaucoup plus efficace qu’une grande loi polémique sur le sujet.
Malheureusement, Manuel Valls ne semble pas à ce stade avoir subodoré une majorité suffisante pour y parvenir. Après l’épisode du 49-3 sur la loi Macron, il est de toute façon obligé de composer avec la réalité de sa majorité pour faire adopter le texte.
Du coup, il a habilement renvoyé aux partenaires sociaux ce sujet brûlant, en leur demandant d’ouvrir un chantier de discussions sur le sujet. Là encore, on retrouve bien l’idée d’occuper le terrain en attendant de pouvoir réellement réformer.
Parallèlement, Manuel Valls a demandé aux partenaires sociaux de se préoccuper rapidement du régime chômage sur lequel l’Etat n’a pas la main, et qui accumule les déficits. Contrairement à certaines rumeurs, le Premier Ministre n’est donc pas passé en force pour imposer aux partenaires sociaux des mesures comme la dégressivité des allocations, qui ne sont ps très en vogue parmi eux.
Le texte qui sortira au printemps devrait donc être relativement limité, votable sans polémique majeure par la majorité, et d’une emprise extrêmement éthérée sur la réalité.
Plaire à l’Allemagne, le sujet du jour
Le Premier Ministre ne s’est d’ailleurs pas caché des véritables enjeux de sa démarche: il s’agit de montrer aux partenaires de la France que la réforme est à l’oeuvre et qu’il faut donc faire preuve d’indulgence vis-à-vis de nos dérapages budgétaires.
Cette logique court-termiste, dictée par la nécessité d’apprivoiser l’Allemagne et d’adoucir sa volonté d’en découdre avec la France, ne semble qu’avoir à moitié convaincu. La Commission Européenne a en effet indiqué qu’elle accordait deux ans de plus à la France pour revenir à un déficit public inférieur à 3% du PIB.
C’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour François Hollande. Il sera obligé de présenter un budget 2017 sous les 3%. Ce répit l’obligera à sabrer dans les dépenses avant les élections présidentielles: une occasion de se rendre impopulaire dont il se serait bien passé.