Désignations: l’amendement Robiliard est-il une bénédiction pour le marché?

L’amendement Robiliard réintroduisant les désignations n’a pas fini de faire couler l’encre et d’agiter les doigts sur les claviers de tous ordres. En attendant sa censure par le Conseil Constitutionnel, il mérite d’être lu attentivement et même… d’être lu à l’envers… 

Un démenti apporté à Barthélémy et consors

Premier point à lire en creux: si le législateur prend soin d’écrire que la co-désignation est autorisée en prévoyance, il reconnaît désormais deux éléments sur lesquels les défenseurs de la désignation ont cherché à introduire un flou. 

L’article L 912-1 dans sa version provisoire interdit désormais la désignation unique. Le législateur prend ici acte de l’interdit posé par le Conseil Constitutionnel sur l’existence de contrats de branche qui s’imposeraient aux entreprises. Dans tous les cas, l’entrepreneur employeur doit pouvoir choisir un contrat d’assurance et y souscrire. La branche ne peut se substituer à lui pour la souscription. Et de un! 

L’article L 912-1 dans sa version toujours provisoire reconnaît que la désignation en santé, qu’elle soit unique ou multiple, est interdite. Seule la prévoyance peut s’adonner à ce plaisir, qui devient donc solitaire… 

Et pan dans le bec de ceux qui, contre espèces sonnantes et trébuchantes, utilisaient leurs titres universitaires et leur amour désintéressé du salarié, du petit patron, de la veuve et de l’orphelin, il y a quelques semaines encore, pour légitimer la désignation unique en santé… 

Les paritaires se sont-ils mis tout seuls dans la nasse?

Reste une question de fond: cette sanctuarisation de la co-désignation en prévoyance peut-elle passer le cap du Conseil Constitutionnel? Le débat est ouvert, et l’amendement Robiliard, qui restreint la désignation à la prévoyance dessert sa cause plus qu’il ne la sert. La question n’est en effet pas un problème de branche d’assurance ou de risque, mais un problème de droit. Peut-on oui ou non restreindre la liberté contractuelle de l’entreprise au nom d’un principe de solidarité ou pas? 

On retrouve ici le débat sur la qualification de service social d’intérêt général (SSIG) qui est porté implicitement par les défenseurs de la désignation. Soit la protection sociale complémentaire repose sur des principes d’intérêt général (pour reprendre le vocabulaire européen, la France préférant l’expression de service public), et la désignation est possible. Soit ce n’est pas le cas, et le marché doit être libre. 

En restreignant le champ de la désignation à la seule prévoyance, les parlementaires prennent un risque: celui d’offrir au Conseil Constitutionnel l’argument simple selon lequel les parlementaires ne croient pas eux-mêmes au rattachement de la protection sociale complémentaire aux SSIG, puisqu’ils en excluent la santé, le marché le plus important. Dans ces conditions, pourquoi les Sages se feraient-ils plus royalistes que le Roi? 

A suivre donc… 

Ajouter aux articles favoris

Conformité CCN en santé

Pour vous aider à gérer la conformité CCN de vos offres "santé standard", profitez de notre outil en marque blanche gratuitement en 2023. L'outil vous permettra de savoir, en un clic, le niveau de votre offre compatible avec la CCN que vous aurez sélectionnée. L'outil en marque blanche est relié à la base de données CCN de Tripalio, juridiquement certifiée et mise à jour en temps réel. Il bénéficie de notre algorithme de comparaison qui détecte les non-conformités du contrat santé standard.
Demandez votre outil
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer
Lire plus

Quand la relation intime entre deux salariés devient un motif de licenciement

La relation intime d'un responsable d'entreprise peut avoir des conséquences professionnelles s'il les cache à sa direction. C'est ce qu'a récemment rappelé la Cour de cassation dans une décision rendue le 29 mai 2024. Elle s'y prononce sur le licenciement pour faute grave d'un responsable d'entreprise qui a caché à son employeur sa relation avec une autre salariée de l'entreprise, laquelle est titulaire...
Lire plus

Indemnité de cantine fermée “covid” : le juge tranche en défaveur des télétravailleurs

La crise sanitaire de 2020 a provoqué la fermeture de nombreux lieux de rassemblement de population, dont la fameuse cantine d'entreprise. Or, certaines entreprises ont dû maintenir une activité dans leurs locaux pour assurer la continuité de service. Dans ce cadre, une indemnité dite de cantine fermée a été mise en place pour permettre aux salariés présents de ne pas être lésés par la fermeture du restaurant normalement accessible dans le cadre de leur emploi. Mais cette indemnité a fait naître quelques litiges, dont...
Lire plus

Obligation de prévention et sécurité : c’est à l’employeur de montrer patte blanche en cas d’accident

En entreprise, l'employeur est tenu de respecter des mesures de prévention et sécurité afin de protéger la santé de ses salariés. Les dispositions du code du travail encadrent cette obligation avec précision. Mais que se passe-t-il en cas de manquement de l'employeur ? Le salarié peut-il considérer que cette violation de ses obligations légales par l'entreprise constitue un motif de rupture de contrat de travail aux torts de l'employeur ? Dans ce cas, sur qui repose la charge de la preuve ? C'est à cette question que...