Dépenses sociales : les “boomers” au centre d’un débat fort mal posé

boomers

De récents propos du Premier ministre en fin de règne François Bayrou, au sujet de la part de responsabilité des “boomers”, ces enfants des décennies du baby boom, dans l’entretien de la spirale de déficits et d’endettement publics dans laquelle s’enfonce la France, ont apporté de l’eau au moulin des pourfendeurs de ces générations de seniors, accusées des pires maux, et autres partisans de la théorie de la “guerre des générations”.

S’agissant de la question des dépenses sociales, le débat sur la responsabilité des “boomers” dans leur dérive apparaît mal posé.

Du “confort des boomers” à l’endettement de la France

Invité en milieu de semaine dernière sur TF1, le chef du gouvernement a prêté aux boomers – catégorie dont il fait lui-même partie – un raisonnement qui n’est pas passé inaperçu. Il a, en l’occurrence, affirmé qu’ils jugent légitime que l’accroissement de l’endettement national soit le prix de leur “confort”. “Si on crée le chaos, qui vont être les victimes ? Les premières, ce seront les plus jeunes des Français qui devront payer la dette pendant toute leur vie et on a réussi à leur faire croire qu’il fallait encore l’augmenter, tout ça pour le confort de certains partis politiques et pour le confort des boomers, comme on dit, qui de ce point de vue là, considèrent que, ma foi, tout va bien” a précisément déclaré François Bayrou.

Ses propos ont suscité bien des réactions, vives et contradictoires. Pour les uns, gauchistes intersectionnels, libéraux à la mode “Nicolas qui paie” ou encore opposants à l’esprit de mai 68 – soit des tendances de l’opinion surtout représentées sur les réseaux sociaux – une telle analyse a constitué une reconnaissance du bien-fondé de leurs propres discours souvent très critiques à l’égard des fameux boomers. Pour les autres, représentants politiques et syndicaux de la plupart des bords, la prise de position du chef du gouvernement a injustement pointé du doigt une catégorie de la population qui a pourtant travaillé à la prospérité de la France et a payé pour les bénéfices dont elle jouit à présent. Le débat continue de faire rage entre ces deux tendances.

Une confusion longtemps entretenue sur la retraite par répartition

A bien y regarder, ce débat est pourtant mal posé. D’abord, il n’apparaît pas légitime de reprocher aux boomers de vivre aux dépends des actifs actuels. Car s’il est vrai qu’en application du principe de la répartition, ce sont ces actifs qui financent les pensions d’un niveau relativement correct des retraités, désormais issus pour l’essentiel des générations du baby boom – d’après la dernière étude de la DARES sur les retraites et les retraités, ce niveau a frôlé en moyenne les 1 700 euros mensuels nets en 2023, cf. tableau 1 p. 53 – il est tout aussi vrai que lorsqu’ils ont eux-mêmes cotisé à la retraite, les boomers l’ont bien souvent fait en ayant été convaincus par les discours de l’époque qu’ils accumulaient de véritables droits à pension.

Lorsque les régimes par répartition qui existent aujourd’hui se sont structurés, à la Libération puis durant les Trente Glorieuses, leur promotion par les responsables politiques, paritaires et technocratiques divers et variés a moins été effectuée en vantant le fait qu’ils permettaient aux retraités d’alors de bénéficier de pensions financées de manière solidaire qu’en insistant sur les prestations généreuses que les cotisations promettaient d’assurer par la suite – que l’on songe à la fois au caractère tangible des “points” AGIRC ou ARRCO ou au taux de remplacement promis par le régime de base de la Sécurité sociale. Or, par principe, la répartition ne peut rien promettre quant à ses prestations à venir – et, mais c’est un autre sujet, ce problème se pose aussi dans le cas de la capitalisation. Autrement dit, c’est en entretenant volontiers une confusion sur la nature même de la retraite par répartition que ses promoteurs l’ont valorisée auprès des boomers. Il est dès lors un peu facile de les accuser aujourd’hui de ne pas vivre du leur.

Des calculs obsolètes sur les dépenses de santé

Outre le fait qu’elle est mal fondée, cette critique présente un second inconvénient, plus problématique encore : elle concentre, le plus souvent, toutes les critiques à l’encontre de la pression des boomers sur le système de protection sociale et permet par conséquent d’éluder d’autres débats qui apparaissent pourtant, a priori, tout à fait pertinents. En particulier, elle relègue au second plan la question des modalités du financement des dépenses de santé par les assurés sociaux relativement âgés. Cette question est pourtant loin de manquer d’intérêt : non seulement l’assurance maladie est la première source actuelle et projetée des lourds déficits sociaux mais en outre, les retraités, qui sollicitent beaucoup le système de soins, le financent nettement moins que les actifs.

A l’origine des systèmes d’assurances sociales, dont la Sécurité sociale, cette répartition de la charge de financement des dépenses de santé était sans doute légitime, dans la mesure où l’essentiel de ces dépenses consistait en la prise en charge des arrêts maladie. Aujourd’hui, la situation est tout autre. Elle est si différente qu’elle pourrait justifier une gestion du risque prenant davantage en compte la structure du recours au système de soins. Un alignement tendanciel des taux d’effort de financement de ce système des retraités sur les taux des actifs ne serait probablement pas tout à fait injustifié. S’il pourrait ouvrir des perspectives potentiellement désagréables pour les boomers, ce débat présenterait toutefois l’avantage de ne pas porter sur la légitimité même de leurs ressources – c’est-à-dire de leur place dans la société – mais sur les modalités de leur contribution à l’effort commun.

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