Dépakine: la sécurité sociale privatise les bénéfices et nationalise les pertes

Dans l’affaire de la Dépakine, la ministre Buzyn a annoncé que l’État se substituerait à Sanofi, dans un premier temps, pour l’indemnisation des victimes. Ce procédé garantit une indemnisation rapide… et permettra à l’État d’adoucir les sanctions auxquelles Sanofi est exposé. Une façon commode de nationaliser les pertes sur ce dossier.

L’affaire de la Dépakine est plus ou moins bien connue. Ce médicament à base de valporate, prescrit dans les cas d’épilepsie et de troubles de l’humeur, est commercialisé en France depuis 1967. On pensait jusqu’ici que seules 4.000 mères enceinte qui l’avaient utilisé avaient infligé, sans le savoir, des dommages irréversibles à leur foetus. Ce chiffre s’élèverait en réalité à environ 30.000 enfants victimes… Pire, il semblerait que Sanofi, qui commercialisait ce médicament, ait été informé de ses dangers pour les foetus… sans avoir réagi. 

Une action de groupe contre la Dépakine

Une association s’est organisée, l’Apesac (association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant) pour défendre les intérêts des parents victimes dans des actions de groupe. L’une d’entre elles, réunissant 14 mères, a récemment abouti à la condamnation, à Orléans, de Sanofi à 3 millions € de dommages et intérêts. Parallèlement, l’État a doté un fonds d’indemnisation de 77 millions €. On mesure, pour les parents, l’intérêt de saisir directement la justice contre Sanofi, plutôt que de saisir le fonds, dont les capacités financières sont limitées.  

On mesure aussi pour Sanofi le danger que représente cette action de groupe qui passe par-dessus les épaules de l’État. La menace financière est colossale… 

L’État veut protéger Sanofi et nationaliser les pertes

Assez logiquement, l’État souhaite préserver les intérêts de son géant pharmaceutique favori (déjà bénéficiaire du cadeau de la vaccination obligatoire élargie cette année) en bloquant les recours directs, et en privilégiant l’intermédiation du fonds publics. D’où la réponse sur France Inter d’Agnès Buzyn: 

« Ce qui compte pour moi, et c’est l’urgence, c’est que ces familles d’abord connaissent le risque, et donc puissent se tourner vers l’Oniam [Office national d’indemnisation des accidents médicaux], et puissent être indemnisées. (…) L’urgence, c’est que Monsieur et que les autres familles dans le même cas soient indemnisés pour être aidés. Et Sanofi c’est le travail de l’Etat ». 

Dans sa réponse, la ministre évite bien entendu de parler argent, et ne parle que rapidité de paiement. Or, les indemnisations promises par l’État sont inférieures à celles ordonnées par la justice. 

La traditionnelle frilosité de l’État dans l’indemnisation

On rappellera que la justice est beaucoup plus généreuse dans la réparation des dommages que l’État ou le monde paritaire ne peuvent l’être. Le même phénomène se produit dans la réparation des accidents du travail, beaucoup moins favorables que la réparation des accidents de la vie. 

Une fois de plus, la sécurité sociale se déploie au détriment de l’intérêt des assurés.  

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