Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.
Si la Cour de cassation maintient l’obligation, contestable, de parité lorsque deux sièges sont à pourvoir dans un collège du CSE, un arrêt très récent maintient la possibilité de présenter des listes incomplètes et semble fixer une méthode pour respecter la mixité proportionnelle. Cass.Soc.,17 avril 2019, n°17-26724
- Les listes incomplètes sont valides
Des doutes légitimes avaient pu naître sur la possibilité de faire des listes incomplètes en raison de la jurisprudence du 9 mai 2018 (1) qui avait affirmé que lorsque deux sièges sont à pourvoir, “l’organisation était tenue de présenter une liste (…) comportant nécessairement une femme et un homme”.
Cette affirmation paraissait difficilement compatible avec la liberté offerte aux syndicats de présenter des listes incomplètes. Mais il faut rappeler ici que cette jurisprudence a été rendue suite à une candidature unique qui avait clairement pour dessein de contourner la règle de la mixité proportionnelle. Pour autant et même si une première analyse commandait de circonscrire cette jurisprudence aux cas où deux sièges sont à pourvoir, nous ne pouvons que saluer la confirmation de la Cour de cassation dans une formulation on ne peut plus claire : « lorsque plus de deux postes sont à pourvoir, une organisation syndicale est en droit de présenter une liste comportant moins de candidats que de sièges à pourvoir ».
Le combat judiciaire est-il perdu lorsque deux sièges sont à pourvoir ?
Si la fenêtre devient plus étroite puisque à l’occasion de cette décision la Cour de cassation a réaffirmé l’obligation de parité, la CFDT continue de penser que la Cour de cassation aurait pu avoir une interprétation plus souple, intermédiaire, en considérant que la candidature unique pouvait être autorisée en étant nécessairement celle du sexe « surreprésenté ». Il est important de noter qu’aussi bien dans la jurisprudence du 9 mai 2018 que dans celle du 17 avril 2019 la Cour prend soin de rappeler que cette jurisprudence est rendue en l’état des dispositions légales applicables, c’est-à-dire avant que les ordonnances Macron permettent de présenter quoiqu’il arrive un candidat du sexe sous représenté à condition qu’il ou elle ne soit pas en tête de liste.
- Une liste incomplète doit respecter la proportion du collège
Après avoir admis, du moins confirmé, la possibilité de présenter une liste incomplète, la Cour de cassation semble fixer une méthode. Elle précise que la liste incomplète doit respecter « les prescriptions de l’article L. 2324-22-1 du Code du travail à proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré ».
De la même manière qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, une jurisprudence non plus, toutefois c’est la première fois que la Cour demande à ce que la mixité proportionnelle soit appliquée au nombre de candidat présenté par la liste (« à proportion »), ce qui impose ainsi d’effectuer un recalcule pour savoir comment composer sa liste.
D’ailleurs cette analyse semble confirmée par deux points. D’une part le protocole préélectoral ne prévoyait pas expressément un tel mécanisme, la Cour a donc décidé de l’imposer comme règle de bonne application de la mixité au cas des listes incomplètes. D’autre part elle a, dans l’espèce, validé une liste UNSA incomplète présentant 4 candidats avec une seule femme au lieu de 5 candidats avec deux femmes.
Dans l’espèce il y avait dans le deuxième collège 85 femmes et 165 hommes. Le protocole avait prévu que pour 5 sièges, les syndicats devaient présenter :
– Pour les femmes 5X85 / (85+165) = 1.7 soit 2 sièges
– Pour les hommes 5X165 /(85+165) = 3.3 soit 3 sièges
L’UNSA ayant présenté 4 candidats avec seulement une femme, cela signifie que la Cour, pour valider les résultats, a fait le recalcul suivant :
– Pour les femmes 4X85 / (85+165) = 1.4 soit 1 siège
– Pour les hommes 4X165 / (85+165) = 2.6 soit 3 sièges
On pourrait concéder qu’appliquer la proportion en fonction du nombre de sièges et non du nombre de candidats respecte au mieux l’esprit de la loi. Mais c’est à condition que les listes soient complètes et cela ne peut pas toujours être le cas aussi bien pour les nouvelles implantations que les anciennes ! De plus, faut-il rappeler qu’il ne s’agit que d’une obligation de présenter un quota de femmes et d’hommes et non d’une obligation de résultats en termes de sièges, rendant toujours possible un dévoiement de l’objectif de mixité lorsque toutes les organisations syndicales présentent un homme en tête de liste par exemple. Ainsi cette méthode introduit une souplesse dans la composition de la liste tout en permettant de présenter une liste qui est vraiment proportionnelle à la composition du collège.
La jurisprudence sur ce point est donc à suivre avec attention, Action juridique, le magazine du service juridique confédéral fera le point dans son prochain numéro sur les questions auxquelles la Cour a déjà répondu et les questions, encore nombreuses, non tranchées à ce jour.
La CFDT a édité un mode d’emploi sur la mixité proportionnelle à destination des équipes. Pour toute questions, demande de précisions ou suggestions sur ce sujet vous pouvez nous écrire sur la boite mail : mixite@cfdt.fr
(1) Cass., soc.,9.05.18, n°17-14.088