Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFDT.
Le vote électronique pour l’élection des membres du CSE va très certainement connaître un engouement pendant la crise sanitaire. La Cour de cassation vient de donner des précisions inédites sur sa mise en place et les modalités de sa contestation (Cass. soc., 13.01.21, n°19-23.533 FS-P+R+I).
Le vote électronique peut être mis en place par un accord d’entreprise ou par un accord de groupe, mais également depuis la loi Travail du 8 août 2016 par une décision unilatérale de l’employeur « à défaut d’accord »(1). C’est ce que décide de faire en août 2018 l’employeur de la société Rapide Côte d’Azur. Le syndicat CGT de l’entreprise, lui reprochant de ne pas avoir ouvert de négociation, saisit le tribunal d’instance en référé. Débouté par une ordonnance d’octobre 2019, le syndicat décide de se pourvoir en cassation.
C’est l’occasion pour la Cour de préciser la nature de ce contentieux et les conditions de recours à la décision unilatérale.
Un contentieux qui relève des élections professionnelles
Pour l’employeur, le pourvoi était irrecevable car le litige devait relever du droit commun des accords collectifs. A ce titre, le syndicat aurait dû faire appel de la décision et non se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation répond à cet argument que le pourvoi est bien recevable : « le recours au vote électronique, qu’il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur, constitue une modalité d’organisation des élections, et relève en conséquence du contentieux de la régularité des opérations électorales. »
Ainsi, le tribunal judiciaire (2) rend sa décision en dernier ressort ouvrant seulement la voie à un pourvoi en cassation.
Une négociation avec les délégués syndicaux comme préalable à la décision unilatérale
La Cour affirme pour la première fois s’agissant du vote électronique : « ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d’un vote électronique. »
Cette solution, qui favorise le dialogue social, est à saluer, d’autant qu’on pouvait légitimement penser que la formulation « à défaut d’accord » laissait une véritable alternative à l’employeur. Certes, comme le souligne la notice explicative de l’arrêt, une décision dans les mêmes termes a été rendue s’agissant de la possibilité pour l’employeur « en l’absence d’accord » (3) de déterminer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts (4).
Mais dans notre espèce, une question encore plus précise se pose à la suite de l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise. L’employeur devait-il rechercher un accord selon les modalités dérogatoires (avec un salarié ou des élus, mandatés ou non) avant de prendre une décision unilatérale ?
Non répond la Cour de cassation, cette négociation préalable n’est obligatoire que pour les entreprises ayant des délégués syndicaux, l’employeur n’étant pas « tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires ». Le pourvoi du syndicat est donc rejetté.
(1) Art. L.2314-26 et R.2314-5 C.trav.
(2) Issu de la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance.
(3) Art. L.2313-4 C.trav.
(4) Cass.soc., 17.04.19, n° 18-22.948.