Convention de formation : attention à la requalification en CDI !

Cet article est initialement paru sur le site du syndicat CFDT.

Une convention de formation préalable à l’embauche dénuée de toute formation peut-elle encore être considérée comme une convention de formation? La Cour de cassation a en toute logique répondu par la négative, et a considéré qu’une telle convention devait être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée. Cass. Soc. 07.07.15, n° 13-16349. 

°Aujourd’hui remplacée par l’ «action de formation préalable au recrutement », l’ « action de formation préalable à l’emploi » (AFPE) était, une convention tripartite signée entre un demandeur d’emploi indemnisé, une entreprise et l’agence pour l’emploi. Dans ce cadre, l’employeur s’engageait à former le stagiaire et à l’embaucher à l’issue de la formation si celui-ci avait atteint le niveau requis. L’Assédic (aujourd’hui Pôle emploi) finançait les actions de formation. 

 

Faits, procédure 

Le 14 janvier 2008, un demandeur d’emploi conclu avec une entreprise et l’ANPE une convention tripartite d’action de formation préalable à l’embauche prévoyant, du 15 janvier au 7 mars, une formation au métier d’analyste programmeur/formateur. Dès le 14 janvier, le stagiaire commence à intervenir auprès de clients de la société et ce tout au long de la durée de la convention. En revanche, à l’issue de celle-ci il n’a toujours pas reçu de formation. Aussi, il saisit le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la requalification de sa convention de formation en contrat de travail à durée indéterminée.  

Après avoir constaté que le stagiaire avait accompli, pendant toute la durée de la convention, des prestations pour le compte de la société sans bénéficier de formation, la Cour d’appel en a déduit l’existence d’un véritable contrat de travail à durée indéterminée. Elle relève par ailleurs que le stagiaire avait commencé à travailler dès le 14 janvier pour le compte de la société dans le cadre d’un lien de subordination. 

L’absence de formation et les interventions auprès d’autres entreprises suffisaient-elles à caractériser l’existence d’un contrat de travail ? 

Dans son arrêt du 7 juillet 2015, la Cour de cassation vient confirmer l’analyse de la Cour d’appel qui ayant constaté que Mr X « avait accompli pendant toute la durée de la convention des prestations de travail relevant d’un emploi normal sans recevoir la formation que la société s’était engagée à lui fournir, en a exactement déduit l’existence d’un contrat de travail ». La rupture des relations contractuelles à l’issue de la convention produisait donc les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

 

L’accomplissement de prestations en l’absence de formation… 

L’essence même d’une AFPE est de permettre à un demandeur d’emploi d’acquérir les compétences professionnelles nécessaires pour occuper l’emploi proposé. Dans ce cadre, la formation que doit délivrer l’employeur est une condition indispensable à la prise en charge financière des Assédics. L’employeur s’engage en outre, à embaucher le stagiaire à l’issue de la période de formation s’il a acquis le niveau requis. Comment alors reprocher au stagiaire de ne pas l’avoir atteint et mettre un terme au contrat si, sur la période dite de formation, ce dernier ne s’en est vu dispenser aucune ? 

En l’espèce, le stagiaire n’a bénéficié d’aucune action de formation de la part de l’employeur. Ce dernier, incapable de fournir un plan ou calendrier de formation, a tenté d’établir la réalité de la formation du stagiaire au métier d’analyste formateur-programmateur en produisant une attestation d’un autre salarié déclarant avoir formé celui-ci à divers outils informatiques.  

Ce qui semble bien insuffisant au regard des nombreuses fiches d’interventions produites par le stagiaire et attestant qu’il a été amené, sur la période de formation, à exécuter diverses prestations auprès de clients. 

 

… conduit à la requalification en CDI 

°Certains contrats peuvent être requalifiés en contrat de travail quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération. L’existence d’un lien de subordination entre ces personnes est un indice laissant présumer que la relation qui les lie est en réalité un véritable contrat de travail. 

En l’espèce, les sociétés condamnées en tant qu’employeur reprochent aux juges du fond d’avoir reconnu l’existence d’un lien de subordination entre elles et le stagiaire et en conséquence celle d’un contrat de travail. Pour elles, le simple fait d’intervenir auprès de clients pour le compte de la société ne suffisait pas à caractériser un quelconque pourvoir de contrôle et de sanction à l’égard du stagiaire, il n’y avait donc aucun lien de subordination pendant la période dite de formation. 

 

Ce n’est pourtant pas ce qu’ont retenu les juges. 

En effet, outre l’absence totale de formation, le stagiaire prouve par la production de nombreuses fiches d’interventions portant son nom en tant qu’intervenant auprès de divers clients, qu’il a dès son embauche, et avant même le début de la période de formation, travaillé pour le compte de la société dans le cadre d’un lien de subordination. Considérant que pendant toute la durée de la période où il était censé être formé, il n’a fait qu’accomplir des prestations de travail relevant d’un emploi normal sans recevoir la formation que la société s’était engagée à lui fournir et qu’il existait par ailleurs un lien de subordination entre le stagiaire et les sociétés pour le compte desquelles il est intervenu, les juges ont justement retenu l’existence d’un véritable contrat de travail. 

Cet arrêt présente l’avantage d’une part de dissuader certains employeurs de recourir à ces dispositifs dans l’unique but de bénéficier d’aides financières, mais aussi de mettre l’accent sur l’importance donnée à la formation professionnelle, indispensable à l’employabilité des demandeurs d’emploi.  

 

 

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