Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFDT.
En matière de contrat de travail, il n’est pas possible de faire tout et n’importe quoi. En effet, certaines règles européennes et internationales posent des verrous s’agissant notamment des contrats de travail, de la période d’essai et du recours aux contrats atypiques. Voici quelques-unes des règles posées par le droit international et européen.
Les mentions obligatoires du contrat de travail : la directive « déclaration écrite » 91/533
Une directive européenne relative à l’information du travailleur sur les conditions applicables au contrat de travail fixe la liste des « éléments essentiels de la relation de travail » que l’employeur doit porter à la connaissance du salarié. L’objectif de cette directive est de « mieux protéger les travailleurs salariés contre une éventuelle méconnaissance de leurs droits »(1).
– Champ d’application
Cette directive s’applique à tous les contrats de travail mais elle prévoit toutefois des exceptions. Ainsi, les Etats membres peuvent exclure du champ d’application de la directive les travailleurs dont les contrats de travail n’excèdent pas un mois et/ou n’excède pas 8 heures de durée hebdomadaire, ainsi que les contrats de travail ayant un caractère occasionnel et/ou particulier.
– Quels sont les éléments essentiels que l’employeur doit porter à la connaissance du travailleur salarié ?
Ces éléments essentiels sont :
a) l’identité des parties ; b) le lieu de travail ; c) le titre, le grade, la qualité ou la catégorie d’emploi en lesquels le travailleur est occupé ou la caractérisation ou la description sommaires du travail ; d) la date de début du contrat de travail ; e) s’il s’agit d’un contrat de travail temporaire, la durée prévisible du contrat de travail ; f) la durée des congés payés auquel le travailleur a droit ; g) la durée des délais de préavis à observer par l’employeur et le travailleur en cas de cessation du contrat de travail, ou, si cette indication est impossible au moment de la délivrance de l’information, les modalités de détermination de ces délais de préavis ; h) le montant de base initial, les autres éléments constitutifs ainsi que la périodicité de versement de la rémunération à laquelle le travailleur a droit ; i) la durée de travail journalière ou hebdomadaire normale du travailleur; j) la mention des conventions collectives et/ou accords collectifs applicables au travailleur.
– Sous quelle forme l’information doit être faite ?
Selon la directive, un écrit est obligatoire. Cette information au travailleur doit être réalisée au plus tard 2 mois après le début de son travail par remise d’un écrit, lequel peut prendre la forme suivante : un contrat de travail écrit, une lettre d’engagement, un ou plusieurs autres documents écrits.
– Que se passe-t-il en cas de modification d’éléments essentiels du contrat ?
Toute modification des éléments du contrat de travail doit faire l’objet d’un document écrit remis par l’employeur au travailleur, et ce au plus tard un mois après la date de la prise d’effet de la modification (2).
Une phase de consultation sur l’éventualité d’une révision de la directive 91/533 est en cours. Deux principales modifications sont présentées par la Commission : 1) Etendre le champ d’application de la directive à tous les travailleurs (incluant les nouvelles formes d’emplois et les emplois atypiques), élargir les matières à propos desquelles des informations doivent être fournies (période d’essai, système de sécurité social, droits de formation,…) et réduire le délai de notification de 2 mois. 2) Octroyer un seuil minimum de droits.
La période d’essai : la convention n°158 de l’OIT de 1982 (3)
C’est cette fois le droit international qui nous éclaire sur l’encadrement de la durée de la période d’essai. La convention n°158 de l’OIT qui porte sur le licenciement prévoit la possibilité d’exclure de son champ d’application les travailleurs effectuant une période d’essai à condition que la durée de celle-ci soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable (4).
Qu’est-ce qu’une durée raisonnable ? Un arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2012(5) est venu répondre à cette question dans une affaire concernant un salarié dont le contrat a fixé une période d’essai de 6 mois renouvelable un fois. La Cour de cassation se fonde sur la convention n°158 de l’OIT pour juger qu’une période d’essai dont la durée, renouvellement inclus, atteint un an est déraisonnable et viole ainsi la convention n°158 de l’OIT.
Sur les formes de travail atypiques : la directive 99/70
La directive 99/77 du 28 juin 1999 vise à mettre en œuvre l’accord-cadre européen portant sur le travail à durée déterminée qui a été conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles européennes.
– Le CDI comme forme générale de la relation de travail.
Tout d’abord, les parties signataires de l’accord-cadre européen « reconnaissent que les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs ».
– L’exception : le CDD
Ensuite, les parties signataires reconnaissent que « les contrats de travail à durée déterminée répondent, dans certaines circonstances, à la fois aux besoins des employeurs et à ceux des travailleurs ».
– Champ d’application :
A qui s’appliquent les règles définies par l’accord-cadre européen ? Elles s’appliquent aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre (6). L’objectif que poursuivit par l’accord cadre européen vise à garantir la prévention des abus et l’égalité de traitement.
– La prévention de l’utilisation abusive du recours au CDD
La directive vient encadrer le recours au travail à durée déterminée. Pour prévenir l’utilisation abusive de CDD, les Etats membres, après consultation des partenaires sociaux, doivent introduire l’une ou plusieurs mesures suivantes :
– des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ;
Sur la notion de « raisons objectives » : la CJCE est venue préciser que cette notion requiert que le recours au CDD, tel que prévu par une règlementation national, soit justifié par l’existence d’éléments concret tenant notamment à l’activité en cause et aux conditions de son exercice (CJCE, 4.07.2006, Adeneler, C-212/04).
Ainsi, le droit communautaire fait obstacle à l’application d’une réglementation nationale qui interdit d’un façon absolue, dans le seul secteur public, de requalifier en CDI une succession de CDD qui en réalité ont eu pour objet de couvrir des besoins permanents et durables de l’employeur. Ces CDD doivent être considérés comme abusifs (§105 de l’arrêt).
– la durée maximale totale de contrats de travail à durée déterminée successifs;
– le nombre de renouvellements de tels contrats de travail.La CJUE a récemment reconnu que la directive 99/70 s’oppose à toute réglementation nationale qui permet le renouvellement de CDD pour couvrir des besoins provisoires de l’employeur en termes de personnel, alors que ces besoins sont en réalité permanents et durables(7).
– En outre, les Etats membres doivent déterminer sous quelles conditions les CDD sont considérés comme « successifs » et réputés conclus pour une durée indéterminée.
Sur ce point, la CJCE a jugé non conforme au droit communautaire, une réglementation nationale qui considère comme successifs les seuls CDD qui ne sont pas séparés les uns des autres par un laps de temps inférieur ou égal à 20 jours ouvrables dans le cadre d’une chaîne de contrats le liant à son employeur(8).
– La garantie du principe de non-discrimination
S’agissant des conditions de travail, « les travailleurs à durée déterminée ne doivent pas être traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives »(9).
A noter que ce principe d’égalité de traitement est également garanti pour les travailleurs intérimaires, dans le cadre de leur mission réalisée auprès de l’entreprise utilisatrice. Les conditions de travail et d’emploi sont au moins celles qui leur seraient applicables s’ils étaient recrutés directement par ladite entreprise pour y occuper le même poste(10).
Clause de non-régression
L’accord-cadre européen prévoit une clause de non-régression (11) selon laquelle la mise en œuvre du présent accord ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine du travail à durée déterminée.
(1) Considérant n°2 de la Directive 91/533 relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail.
(2) Art. 5 de la Directive 91/533 relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail.
(3) La convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur le licenciement adoptée en 1982 et ratifiée puis entrée en vigueur en France en 1990.
(4) Art. 2§2, b) de la convention n°158 de l’OIT sur le licenciement.
(5) Cass.soc.11.01.12, n°10-17.945.
(6) Clause 2 §1 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.
(7) CJUE,14.09.16, María Elena Pérez López, C—16/15.
(8) CJCE, 04.07.06, Adeneler, C-212/04,§84-89.
(9) Clause 4 §1 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.
(10) Art. 5 directive 2008/104 relative au travail intérimaire.
(11) Clause 8 §3 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.