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C’est à la date de la rupture effective du contrat de travail, suite à l’acceptation d’un contrat de sécurisation professionnelle, qu’il convient de se placer pour vérifier si un salarié victime d’un accident du travail peut prétendre à la protection contre le licenciement. Cass.soc, 14.12.2016, n°15-25981
• Rappel des faitsDans l’affaire soumise à la Cour de cassation, le salarié, après avoir eu un entretien préalable au licenciement économique au cours duquel l’employeur lui a proposé le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), a été victime d’un accident du travail, le plaçant de ce fait en arrêt de travail. Puis, il a accepté le CSP et l’employeur lui a enfin notifié les motifs économiques du licenciement.Le CSP est un dispositif devant être proposé à chaque salarié (dans une entreprise de moins de 1 000 salariés) dont le licenciement pour motif économique est envisagé. La proposition doit être faite au salarié pendant l’entretien préalable au licenciement, lorsqu’il a lieu, le salarié disposant alors d’un délai de réflexion de 21 jours pour prendre sa décision. En cas d’acceptation, le salarié bénéficie d’un accompagnement spécifique par Pôle emploi et d’une meilleure allocation chômage. A noter qu’en cas d’acceptation du CSP, la rupture est effective à compter du lendemain de l’expiration du délai de réflexion.Considérant que l’employeur ne pouvait rompre son contrat de travail pendant une période de suspension du contrat suite à un accident du travail, le salarié a saisi les juges afin d’obtenir la nullité de son licenciement. La cour d’appel fait droit à sa demande en prononçant la nullité de son licenciement.Les salariés placés en arrêt de travail suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle bénéficient d’une protection contre le licenciement. L’article L. 1226-9 du Code du travail précise en effet qu’ « au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie ». Le licenciement intervenu en violation de cet article est nul.L’employeur a alors formé un pourvoi contre cette décision en avançant les arguments suivants.- Selon lui, c’est l’acceptation du CSP qui emporte la rupture du contrat de travail, et non la lettre de l’employeur énonçant les motifs de la rupture. Ainsi, cela exclurait l’application de l’article L.1226-9 interdisant à l’employeur de rompre le contrat pendant une période de suspension consécutive à un accident du travail, puisque la rupture serait du fait du salarié,- Il ajoute que l’adhésion au CSP par le salarié emporte de fait la rupture du contrat de travail, ce qui caractérise l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident du travail.Saisie du pourvoi, la Cour de cassation a dû répondre à la question suivante : un salarié, ayant accepté le CSP, placé en arrêt de travail suite à un accident du travail, est-il protégé contre la rupture de son contrat de travail ? La Cour de cassation raisonne en deux temps. Tout d’abord, elle vérifie si le salarié bénéficie ou non de la protection. Ensuite, elle vérifie, lorsqu’un licenciement a été prononcé, si l’employeur parvient à démontrer l’existence d’une impossibilité de maintenir le contrat.
• La date d’appréciation de la protection contre les licenciements en cas de proposition d’un CSPEn premier lieu, la Cour de cassation retient que c’est à la date d’expiration du délai de réflexion de 21 jours pour prendre parti sur la proposition de CSP qu’il convient de se placer pour vérifier si le salarié, en arrêt de travail d’origine professionnelle, est protégé contre le licenciement.
• Pas d’impossibilité de maintenir le contrat en cas d’acceptation du CSPEn second lieu, la Cour de cassation décide que l’adhésion au CSP par le salarié, « qui constitue une modalité du licenciement économique, ne caractérise pas l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maladie ou à l’accident ».
• Nullité du licenciement prononcéLa Cour en déduit donc que dès lors qu’il fallait se placer à l’expiration du délai de réflexion de 21 jours pour accepter la proposition de CSP, et non au jour de sa proposition, la cour d’appel, qui avait constaté qu’à cette date, le salarié était en arrêt de travail d’origine professionnelle, pouvait en déduire que le salarié bénéficiait « de la protection des salariés victimes d’un accident du travail ou maladie professionnel ». Et que par conséquent, en l’absence d’impossibilité de maintenir le contrat, le licenciement prononcé devait être considéré comme nul.
• Une décision logique, tant du point de vue des règles relatives au CSP que de la jurisprudence sur la protection des accidentés du travailC’est bien contre la rupture que le salarié en arrêt de travail d’origine professionnelle est protégé. Ainsi, c’est sa situation au jour de cette rupture, prononcée par l’employeur, qui doit être prise en compte, comme le rappelle la Cour de cassation. Cela est conforme à sa jurisprudence, la Cour de cassation considérant de manière constante par exemple qu’un salarié qui est placé en arrêt de travail d’origine professionnelle après un entretien préalable à un éventuel licenciement est protégé contre le licenciement au titre de l’article L. 1226-9 du code du travail (1).
D’ailleurs, en ce qui concerne le moment de la rupture en cas d’acceptation du CSP, la convention d’assurance chômage du 26 janvier 2015 relative au CSP précise bien que la rupture du contrat intervient, en cas d’acceptation par le salarié, à l’expiration du délai de réflexion de 21 jours. C’est donc assez logiquement que la Cour de cassation se situe à cette date pour vérifier si le salarié est protégé au titre de l’article L. 1226-9 du Code du travail.Enfin, cette décision illustre une nouvelle fois la rigueur de la Cour de cassation quant à la démonstration de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail en cas de licenciement survenu alors que le salarié était en arrêt de travail d’origine professionnelle. En effet, celle-ci est exigeante vis-à-vis des employeurs lorsqu’il s’agit de caractériser l’existence de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour des motifs étrangers à la maladie ou à l’accident du travail : motif économique (2) ou encore fermeture d’un établissement (3) ne suffisent pas, à eux seuls, à caractériser cette impossibilité. L’affaire ici commentée n’aura pas échappé à ce strict contrôle !
(1) Cass.soc, 08.10.91, n°89-45513.(2) Cass.soc, 25.05.11, n°09-69641.(3) Cass.soc, 17.02.10, n°08-45173.