C’est aujourd’hui que s’ouvre, à Dijon, le 52ème congrès confédéral de la CGT.
A l’occasion de cet évènement essentiel de la vie interne de la centrale cégétiste, Philippe Martinez, son secrétaire général, devrait faire face à un certain nombre de remises en cause de son bilan et de ses orientations stratégiques. Fragilisé, il se maintiendra, certes, à la tête d’une organisation elle aussi fragilisée.
Une CGT en déclin
Les temps sont durs pour la CGT de Philippe Martinez. Alors qu’historiquement, elle avait toujours été la première organisation salariale française, c’est en effet durant le premier mandat de son actuel secrétaire général qu’elle a commencé à se faire surclasser par la CFDT. A l’occasion de la dernière mesure de la représentativité syndicale, en 2017-2018, cette dernière a ravi la première place à la CGT.
Certes, en termes d’effectifs adhérents, la CGT conserverait officiellement une longueur d’avance sur la centrale réformiste – avec un peu plus de 653 000 adhérents revendiqués, contre environ 624 000 pour la CFDT. Hélas pour Philippe Martinez, cette première place pourrait fort bien ne pas être amenée à durer très longtemps : depuis 2015 – soit : depuis le début de son mandat – la CGT aurait perdu entre 25 000 et 40 000 adhérents.
Une CGT matamore
Ces résultats a priori pas tout à fait satisfaisants sont probablement à mettre en lien avec le caractère quelque peu complexe de la stratégie revendicative adoptée par M. Martinez. D’un coté, il manque rarement une occasion de se mettre en scène comme un fervent partisan de la méthode dure : choix pleinement assumé de la grève et de la manifestation comme seules réponses aux réformes sociales gouvernementales, refus fréquents de participer aux diverses “concertations” initiées par le gouvernement ou encore, récemment, à l’occasion du 1er mai, dénonciations vigoureuses de la “répression” du mouvement social opérée, selon lui, par l’exécutif.
D’un autre côté, Philippe Martinez s’est pourtant montré étonnamment frileux à l’égard du plus puissant mouvement social et politique intervenu durant ces dernières années en France : le fameux mouvement des “gilets jaunes”. Après l’avoir analysé comme un mouvement d’extrême droite, il a fini par se raviser un peu, sans toutefois jamais vraiment renoncer à ses réticences premières. En interne, son attitude de repli a pu être mal perçue, notamment du côté de certaines fédérations comme la chimie, l’information et la communication, l’agroalimentaire ou le commerce, considérées comme turbulentes. Il est vrai que les “gilets jaunes” ont obtenu infiniment plus de la part du gouvernement en moins de six mois que la CGT de Philippe Martinez en plusieurs années…
Un prêchi-prêcha humaniste et consensuel
La radicalité à géométrie variable de la CGT de Philippe Martinez s’accompagne de la promotion d’une ligne politique dont la cohérence n’apparaît pas évidente avec celle qui a longtemps été mise en avant par l’organisation. L’histoire revendicative de la CGT est en effet marquée par deux thèmes structurants : la lutte des classes et la lutte internationaliste contre l’impérialisme.
Or, en ces domaines, force est de reconnaître que Philippe Martinez n’est pas un théoricien qui demeurera dans les annales de l’organisation. La vision de fond qu’il exprime de la société s’apparente, en effet, à un prêchi-prêcha humaniste très consensuel, où la prétention à fournir une réflexion globale sur la marche du capital a laissé la place à la défense des “droits humains” à tout et n’importe quoi et au refus des “discriminations” diverses et variées – de certaines plus que d’autres, reconnaissons-le toutefois.
Les quelques esprits vifs que compte encore la CGT déplorent cet appauvrissement considérable du discours et de l’analyse de l’organisation – discours et analyse qui, d’ailleurs, en viennent finalement à s’avérer très proches de ceux des organisations syndicales modérées et même de ceux du pouvoir politique.
Philippe Martinez, un patron de choc
Outre ces critiques relatives à des enjeux fondamentaux de la vie de la CGT, Philippe Martinez pourrait également être interpellé par certains congressistes au sujet de ses méthodes managériales pour le moins brutales. Ces derniers mois, la presse s’est en effet fait l’écho de plusieurs affaires malheureuses de gestion des relations humaines au sein de l’organisation ouvrière : licenciements sans aucun ménagement, donnant lieu pour certains à des plaintes aux Prud’Hommes et purges politico-syndicales à l’ancienne, Philippe Martinez ne recule devant rien pour éliminer ses opposants, réels ou supposés.
Rappelons enfin qu’en bon patron de choc, M. Martinez se traite moins mal qu’il traite les autres. Il s’est ainsi fait rattraper par la patrouille au sujet de son salaire – 55 000 euros en 2018, soit 6000 euros de plus que l’année précédente.
La fragile CGT de Philippe Martinez
Malgré les critiques dont il fait l’objet en interne, Philippe Martinez se maintiendra à la tête de la CGT. Ceux qui s’opposent à sa manière de diriger la centrale ne sont pas en mesure de formuler une alternative crédible et susceptible de fédérer autour d’elle. Pour les responsables cégétistes, le choix de M. Martinez apparaît être un choix par défaut.
Ceci ne saurait contribuer à permettre à la CGT de regagner la confiance du monde salarial. Bandant les muscles mais incapable de jouer les gros bras, navigant à vue en termes de définition de ses principes d’action et gérée de façon discutable par son secrétaire général, la CGT n’est pas en mesure, dans l’état actuel des choses, de peser efficacement dans le débat social afin de porter la voix du Travail.