Confinement et libre circulation des représentants du personnel : le point de la CFDT

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.

Comment concilier les nouvelles mesures de confinement prises par le Gouvernement ce 29 octobre 2020 et la libre circulation des représentants du personnel au sein ou hors de l’entreprise ? Voici, en quelques lignes, un décryptage des règles en la matière. Décret n°2020-1310 du 29.10.20(1).  

· Le principe général : la liberté de circulation

Pour exercer leurs fonctions, les représentants du personnel (membres élus du CSE, représentants syndicaux au CSE et délégués syndicaux) peuvent, durant les heures de délégation, se déplacer hors de l’entreprise. 

Ils peuvent aussi, tant pendant les heures de délégation qu’en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous les contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, notamment auprès de salariés à leur poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail (2). 

Une liberté d’ordre public ! L’employeur ne peut pas y porter atteinte sans commettre de délit d’entrave. 

En revanche, il a été admis que l’employeur puisse, pour des raisons de sécurité ou de confidentialité, limiter cette liberté en règlementant l’accès à certaines zones (3). Quoi qu’il en soit, toute restriction apportée à cette liberté de déplacement par l’employeur doit être justifiée et proportionnée au but recherché(4). 

Ces principes s’appliquent également lorsque le représentant du personnel est placé en activité partielle, la suspension du contrat de travail n’entraînant pas la suspension du mandat. 

· Mais que devient cette liberté de circulation en temps de confinement ?

Difficile de l’ignorer : un décret du 29 octobre est venu restreindre (une fois encore) nos possibilités de déplacement. Aussi, sauf exception, « Tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit ». 

Pour autant, et le ministère du Travail l’a rappelé (5), en situation d’état d’urgence sanitaire, et compte tenu de leurs attributions en matière de santé, sécurité et condition de travail, les élus du CSE, et plus spécifiquement les membres de la CSSCT, ainsi que les DS « doivent pouvoir continuer à exercer leurs missions à l’intérieur des entreprises dont l’activité n’est pas interrompue. Elles requièrent le maintien de leur liberté de circulation, reconnue d’ordre public ». 

· Alors concrètement, comment procéder ?

Le décret qui pose l’interdiction de déplacement, liste aussi les dérogations à cette interdiction. Il vise notamment « les déplacements à destination ou en provenance du lieu d’exercice ou de recherche d’une activité professionnelle et déplacements professionnels ne pouvant être différés ».  

C’est à ce titre que les représentants du personnel vont pouvoir se déplacer pendant le confinement pour exercer leurs fonctions. Pour cela, l’employeur doit leur délivrer le justificatif de déplacement professionnel (6) prévu en application de l’article 4 du décret du 29 octobre 2020. Les représentants devront alors se munir de ce justificatif lors de leurs déplacements hors de leur domicile. 

Ce document suffit pour justifier les déplacements professionnels, il n’est donc pas nécessaire que les représentants se munissent en plus de l’attestation de déplacement dérogatoire. 

  • Une liberté toutefois encadrée

Tout d’abord parce que cette liberté n’est pas absolue ! 

– Elle suppose que le déplacement ne puisse être différé ou qu’il soit indispensable à l’exercice d’activités ne pouvant être organisées sous forme de télétravail. Le “question-réponse” du ministère est clair : ces déplacements ne sont possibles que lorsque le représentant du personnel “considère que les moyens de communication à distance sont inopérants ou insuffisants“. 

– Par ailleurs, elle ne semble s’appliquer qu’au sein des entreprises dont l’activité n’est pas interrompue

– Enfin, elle ne doit pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés. 

Ensuite, parce qu’elle doit être adaptée à la situation exceptionnelle : contexte sanitaire oblige, les déplacements et les contacts avec les salariés devront s’organiser dans le strict respect des gestes barrières applicables à l’ensemble des salariés dans le cadre du protocole sanitaire national et des procédures mises en place par l’entreprise. 

Attention ! Selon le Code du travail chaque travailleur doit prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail (7). 

On l’a vu, l’employeur peut, en qualité de responsable de la sécurité dans l’entreprise, en limiter l’accès, imposer le respect de certaines procédures ou de règles. Dès lors que ces restrictions à la liberté de circulation au sein de l’entreprise sont proportionnées au but recherché et légitimes, elles ne constituent pas un délit d’entrave. Et c’est au juge d’apprécier le caractère proportionné ou non de la limitation de la liberté de circulation des représentants. 

D’ailleurs, dans une récente affaire, le tribunal judiciaire a considéré que la restriction d’accès et de circulation sur un site, et par conséquent l’impossibilité de communiquer avec les salariés présents sur le site, était disproportionnée au but recherché et légitime de protection sanitaire de l’ensemble des salariés. En l’occurrence, un accord de groupe avait interdit la communication par message éléctronique des organisations syndicales à l’ensemble du personnel et l’employeur avait limité la délivrance d’une attestation d’autorisation de déplacement aux seuls membres de la CSSCT – excluant ainsi les DS (8). 

 

(1) Décret n°2020-1310 du 29.10.20 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (art. 4). 

(2) Art L.2315-14 et L.2143-20 C.trav. 

(3) Cass.soc.9.10.19, n°18-13914. 

(4) Art. L.1121-1 C.trav. ; Cass. Soc., 26 février 2020, n° 18-24.758 

(5) https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/questions-reponses-par-theme/article/dialogue-social 

(6) Plus précisément, ce justificatif concerne : 

  • le trajet habituel entre le domicile et le lieu de travail du salarié ou des déplacements entre les différents lieux de travail lorsque la nature de ses fonctions l’exige ;
  • des déplacements de nature professionnelle qui ne peuvent pas être différés, à la demande de l’employeur

(7) Art.L.4122-1 C.trav. 

(8) TJ Saint-Nazaire, ord.réf.27.04.20, n°20/00071. 

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