Alors que le Premier ministre a rencontré, cette semaine, la plupart des dirigeants des organisations salariales et patronales françaises, afin notamment d’évoquer la réforme de l’assurance chômage, un bilan d’étape s’impose des échanges qu’ils ont eus. Dans l’ensemble, il apparaît clair que les objectifs de l’exécutif ne sont pas vraiment les mêmes que ceux des partenaires sociaux. Chez ces derniers, les esprits en viennent même à s’échauffer.
Le refus patronal de la pénalisation des contrats courts
Depuis la dernière négociation paritaire sur l’assurance chômage, qui a eu lieu il y a quelques mois seulement, les dirigeants des principales organisations patronales n’ont pas changé d’avis au sujet des contrats courts : ils refusent toujours catégoriquement qu’ils fassent l’objet d’une pénalisation financière spécifique. Pour Geoffroy Roux de Bézieux, instituer un système de bonus-malus sur les contrats courts est inutile pour lutter contre le chômage car “c’est la nature de l’activité qui amène à avoir des contrats courts ou un turnover important”. Dans un communiqué de presse, l’U2P ajoute qu’une telle pénalisation serait “contre-productive” : “toute solution imposée d’en haut serait contre-productive, d’autant plus que les contrats courts utilisés dans les entreprises de proximité répondent à de réels besoins”.
Des syndicats de salariés critiques sur le fond…
Les dirigeants des organisations salariales qui ont rencontré Edouard Philippe ne se montrent pas plus enthousiastes que leurs homologues patronaux. François Hommeril, le président de la CFE-CGC, a d’abord réaffirmé son refus total d’une dégressivité des allocations chômage pour les cadres, qualifiant cette idée de “tabou”. Du côté de la CGT, Denis Gravouil, cité par les Echos, a dénoncé la volonté gouvernementale de remettre en cause les règles de la “permittence”, le cumul emploi-chômage : “les demandeurs d’emploi en activité réduite ne sont pas des profiteurs de la permittence. Ce sont les employeurs qui abusent des contrats”. Enfin, préférant attribuer une note globale au chef de l’Etat plutôt que de se perdre dans les détails, Pascal Pavageau, le secrétaire général de FO a fustigé les “régressions qui sont organisées” en “une attaque coordonnée tous azimuts” contre le modèle social français.
… et sur la forme
Ces propos sévères à l’égard des principes avancés par l’exécutif sont à mettre en lien avec le fait que les dirigeants syndicaux semblent considérer qu’avec sa “concertation”, le gouvernement entend en réalité imposer purement et simplement ses solutions. Juste après son entretien avec le Premier ministre, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, l’avait ainsi qualifié de “pseudo-concertation” où les interlocuteurs de M. Philippe servaient uniquement de “faire-valoir”. Guère plus tendre, au micro de France Info, François Hommeril a déclaré que la méthode de l’exécutif n’était pas la bonne : “La concertation n’est pas une bonne méthode. C’est une méthode qui ne débouche sur rien de bon, parce que la concertation se fait dans les alcôves. Il faut faire des négociations”.
FO et la CGT déjà dans la mobilisation
Dans cette configuration où la confiance ne règne pas précisément entre l’exécutif et les dirigeants des organisations salariales, Pascal Pavageau a lancé l’attaque des Gaulois contre les Jupitériens. “Nous sommes en 2018 après Jésus-Christ, toute la Gaule a été envahie par les Jupitériens. Toute ? Non. Il existe beaucoup d’irréductibles Gaulois attachés au modèle social, attachés au progrès social, qui encore et toujours luttent contre les régressions qui sont organisées” a-t-il en effet claironné, en rapport avec les propos curieusement tenus par Emmanuel Macron alors qu’il était à l’étranger. Il n’en fallait pas plus à Philippe Martinez pour se saisir de l’appel à la mobilisation. Les deux centrales ont ainsi convenu d’une mobilisation nationale interprofessionnelle en octobre.
Ordonnances Travail, baisse du niveau de vie des retraités et stagnation de celui des salariés, mépris social à peine caché, entretien du désordre migratoire, 80 km/h sur les routes, réformes douloureuses à venir des systèmes de retraite et de l’assurance chômage : pour l’heure, Jupiter a la Gaule. Mais pour combien de temps encore ?